La disposition du Baal Téchouva
par J. Immanuel Schochet
La téchouva est essentiellement dans le cœur et dans l’esprit. Elle est liée à la faculté de binah, la compréhension.
Il ne peut y avoir de téchouva sans une conscience de la réalité : la compréhension de ce qui est nécessaire. La reconnaissance de son état. Une introspection. Une sérieuse autocritique. Une auto-évaluation honnête qui ouvre les yeux de l’esprit et provoque un profond sentiment de gêne : « Comment puis-je avoir agi si stupidement ? Comment ai-je pu être aussi aveugle et idiot devant le Tout-Puissant, l’Omniprésent “qui, dans Sa bonté, renouvelle chaque jour, continûment, l’œuvre de la création” ? Comment ai-je pu délaisser l’Ultime, l’Absolu, pour une illusion passagère ? » Comme le prophète se lamente : « Mon peuple a commis un double péché : ils M’ont abandonné, Moi, la Source des Eaux Vives, pour se creuser pour eux-mêmes des citernes, des citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau ! » (Jérémie 2,13)
La téchouva est directement liée à bouchah – la honte, l’embarras. Le mot hébreu téchouva contient les lettres de bocheth ; la transposition des lettres dechouvah (le retour), donne le mot bouchah (la honte). Car la bouchah est une indication de la téchouva.
La bouchah, le sentiment de honte, découle d’une perception lucide de la réalité. Elle est la preuve du véritable regret du passé, et de la véritable rupture avec celui-ci. Elle est identique à la téchouva. Atteindre ce niveau est l’assurance du pardon : celui qui a commis un péché et en éprouve de la honte, tous ses péchés lui sont pardonnés !
Il faut de la compréhension pour faire téchouva : « que son cœur comprenne, qu’il retourne, et ce sera guéri pour lui. » (Isaïe 6,10) C’est pourquoi nous demandons d’abord dans notre prière : « ...accorde-nous la sagesse, la compréhension et la connaissance », et seulement ensuite : « fais-nous revenir à Toi dans une téchouva complète. » (Amidah des jours de semaine)
La sagesse, la compréhension et la connaissance sont des conditions préalables à la téchouva. Il faut des connaissances pour distinguer le bien du mal. Seul le sage peut distinguer le saint du profane et le pur de l’impur. Ainsi, téchouva etbinah sont identiques.
Le baal téchouva prend conscience que le péché est une séparation entre D.ieu et l’homme. Le péché perturbe l’équilibre de l’univers, brisant son unité. « Celui qui transgresse les préceptes de la Torah provoque un défaut, pour ainsi dire, en-haut, un défaut ici-bas, un défaut en lui-même, un défaut dans tous les mondes. »
Le mot téchouva peut être lu comme tachouv-hé : opérer le retour, la restauration du hé. Car, lorsque l’homme pèche, il provoque le retrait de la lettre hé du Nom Divin. Le Nom Divin, la manifestation de la Divinité, n’est plus entier. Le hé a été arraché, laissant les trois autres lettres épeler hoy, l’exclamation biblique du malheur.
« Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal... malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux... » (Isaïe 5,20-21).
En revanche, « celui qui fait téchouva entraîne la restauration du hé... et la rédemption en dépend. » La téchouva restaure le hé, complète le Saint Nom, rétablit l’unité, libère l’âme. » La téchouva corrige tout : elle répare en-haut, elle répare ici-bas, elle répare le pénitent, elle répare l’univers tout entier. »
La bouchah de la téchouva ne concerne initialement que le passé. Elle se développe ensuite en une prise de conscience de sa propre insignifiance devant la Majesté divine. À ce niveau plus élevé, elle signifie bitoul ha-yech (totale négation de soi). Elle détourne le regard de soi pour le tourner vers l’Ultime. Elle allume ainsi un désir ardent d’être restauré et absorbé dans la Présence Divine : « Mon âme a soif de D.ieu, du D.ieu vivant ; quand reviendrai-je pour paraître en présence de D.ieu... » (Psaumes 42,3) « Oh D.ieu, tu es mon D.ieu, que je recherche avidement. Mon âme a soif de Toi, ma chair languit après Toi, sur une terre aride et altérée sans eau... Car Ta grâce vaut mieux que la vie... » (Psaumes 63,2-4)
Ce désir du baal téchouva est plus intense que celui du tsadik, le saint qui n’a jamais péché. Ayant été éloigné du Divin, le baal téchouva veut rattraper le temps perdu et les occasions manquées. L’énergie et la passion autrefois investies dans l’absurde et l’inconvenant sont maintenant dirigées, dans une mesure toujours croissante, vers le bien. Il s’élance de toutes ses forces, et ainsi motivé, bondit à des niveaux inatteignables par le tsadik.
Ses anciennes transgressions, qui sont maintenant la cause de ses efforts et de ses accomplissements, sont ainsi sublimées. Sa chute a, de fait, généré son ascension. Les anciens péchés sont ainsi transformés en véritables mérites.
L’état nécessitant la téchouva est associé au chagrin, au remords déchirant. La possibilité de téchouva génère l’espoir, la foi et la confiance : « Le cœur étant ferme et certain que D.ieu veut montrer de la bonté, et est compatissant et miséricordieux et pardonne généreusement dès l’instant où l’on implore Son pardon et Son expiation. Pas le moindre vestige de doute ne vient diluer cette conviction absolue. »
La téchouva est ainsi également marquée par une grande joie. La joie n’est pas seulement une force de motivation de l’acte de téchouva, mais aussi un résultat nécessaire de celle-ci. Car chaque pas fait en s’éloignant du péché est un pas de plus vers la vertu. Chaque mouvement pour s’éloigner de l’obscurité du mal rapproche de la lumière de la bonté, rapproche toujours plus de D.ieu. Ceci doit remplir le cœur de joie, d’une joie et d’un bonheur véritables et absolus, comme ceux de l’enfant perdu qui a retrouvé le chemin de la maison.
En effet, ce profond sentiment de joie, remplissant tout l’être, est la preuve d’une téchouva sincère.
L’universalité de la Téchouva
La traduction classique de « téchouva » est « repentance ». Ceci, cependant, n’en est seulement qu’un des aspects : celui lié au fourvoiement, aux péchés par acte ou par omission. La traduction littérale et réelle est « retour ».
Le retour implique un double mouvement. Il est une source originelle de laquelle on s’est éloigné et à laquelle on veut retourner.
La descente de l’âme dans ce monde est un éloignement. Quelles que soient les nobles desseins à accomplir, les objectifs sublimes à atteindre, cela demeure un exil. Car l’âme dans son état primitif est liée et absorbée dans sa source, dans le « lien de vie avec D.ieu ». Quittant ce Lieu de Gloire et la présence manifeste de D.ieu, l’âme est revêtue dans un corps physique, liée à la matière, exposé à, et investi dans, l’antithèse même de la spiritualité et de la sainteté.
Conserver cette identité originelle, retrouver ce lien, tel est le sens profond de la téchouva. « Et l’esprit retourne à D.ieu qui l’a donné. » (Ecclésiaste 12, 7)
Téchouva tataa, le niveau inférieur de la téchouva, est la rectification, l’effacement du passé. À un niveau supérieur, la téchouva est un « retour à la maison », une réunion. L’enfant séparé et perdu, poussé à revenir par une passion dévorante, implore : « C’est ta face, D.ieu, que je cherche ! Ne me cache pas Ta face ! » (Psaumes 27,8-9) Le point le plus profond du cœur désire si ardemment la Divinité que « son âme est attachée à l’amour de D.ieu, constamment emporté par lui comme le malade d’amour dont l’esprit n’est jamais libre de sa passion... et comme Salomon a exprimé allégoriquement : “Car je suis malade d’amour.” (Cantique 2,5) »
Ce niveau élevé de la téchouva – téchouva ilaa, la téchouva suprême – concerne également le tsadik, le sans faute.
La Torah est donnée à tout Israël, à tous les Juifs. Rien dans la Torah n’est superflu. Rien dans la Torah n’est le patrimoine exclusif de seulement quelques-uns. Tout dans la Torah s’adresse à chaque individu et concerne chacun. C’est seulement par le biais de la Torah tout entière que l’on peut devenir une personne entière. Chaque mitsva sert son but. Chaque instruction est directement liée tant au macrocosme de l’univers qu’au microcosme de chaque homme.
La téchouva est une partie intégrante de la Torah. Elle se manifeste dans de nombreux préceptes et instructions. « Chacun des prophètes a engagé le peuple à la téchouva. » La téchouva doit donc concerner les justes, les saints, autant que les pécheurs. Autrement, les justes passeraient à côté d’une partie importante de la Torah. Ainsi, la téchouva ilaa concerne-t-elle également le tsadik.
La téchouva ilaa atteint des sommets qu’une ascension normative, un comportement irréprochable mais progressif et normatif, ne peut pas atteindre. Elle entraîne l’homme à sauter, à bondir, le rendant aveugle à tout chose étrangère à son objectif, l’amenant à ignorer tous les obstacles dans la poursuite de son objectif ultime. Dans ce contexte, le tsadik, devient, lui aussi, un baal téchouva, un « possesseur de la téchouva », une personnification de la téchouva.
La téchouva ilaa ne signifie pas un retrait du monde pour l’homme. Elle révèle D.ieu au sein du monde : l’omniprésence dans le sens le plus littéral, une conscience universelle et pénétrante de la réalité et de la présence de D.ieu. « S’attacher à Lui, car Il est ta vie » (Deutéronome 30,20) ; « il n’y a rien d’autre que Lui » (Deutéronome 4,35). Il y a alors une négation totale de l’ego, une immersion totale de la volonté personnelle dans la volonté suprême. Pas deux entités réunies, mais l’absorption et l’union jusqu’à atteindre l’unité.
« Cette mitsva que Je te prescris aujourd’hui n’est pas hors de ta portée, ni placée trop loin... » (Deutéronome 30,14) En général, ce verset se réfère à toute la Torah. Dans le contexte du passage précédent, il est également interprété comme se référant spécifiquement au principe de la téchouva. « Même si tes exilés étaient relégués à l’extrémité des cieux », et que vous étiez sous la domination des nations, vous pourriez encore revenir à D.ieu et le faire « selon tout ce que Je te prescris aujourd’hui. » Car la téchouva « n’est pas hors de ta portée et elle n’est pas placée trop loin », mais « elle est toute proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour que tu puisses l’accomplir. »
« Une heure de bonheur dans le Monde Futur est meilleure que toute la vie de ce monde. » Pourtant, « une heure de téchouva et de bonnes actions dans ce monde est meilleure que toute la vie dans le Monde Futur. » (Maxime des Pères 4:17)
« Eh bien, dit le Rabbi, fais téchouva et le reste viendra de soi-même ! »
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.
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