Machia'h arrive, le saviez-vous?
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil

dimanche 3 août 2014


Les tunnels qui ont reconstruit Jérusalem

Une histoire d'unité à travers la dispersion

par Tzvi Freeman

Une étrange histoire
C’est l’une de ces choses que vous entendrez répéter encore et encore dans le monde juif : c’est la haine gratuite qui a détruit Jérusalem. Supprimez la haine et vous reconstruirez Jérusalem.
La source de cela est un passage dans le Talmud, Yoma 9b. En premier lieu, le Talmud décrit la situation qui conduisit à la première destruction de Jérusalem et de son Temple par les Assyriens : l’idolâtrie endémique, le meurtre banalisé et l’adultère assumé. Puis les sages demandent, et l’on peut ressentir la douleur et l’angoisse dans leur question :
Et le Second Temple, quand ils étaient investis dans la Torah, les mitsvas et la bienfaisance, pourquoi a-t-il été détruit ?
Parce qu’il y avait de la haine gratuite.
Lisez cela attentivement. Ce n’est pas seulement que les Juifs étudiaient la Torah, accomplissaient des mitsvas et des actes de bonté : ils étaient pleinement investis dans ces choses. Il apparaît de toutes les sources dont nous disposons que c’était un temps où l’étude de la Torah prospérait et où il y avait beaucoup, beaucoup de bonnes actions. Les gens prenaient soin les uns des autres. Pas exactement le bain de sang, fruit de luttes intestines haineuses, auquel on se serait attendu comme justification d’un exil qui dure depuis près de deux mille ans.
Mais l’énigme est plus épaisse encore. Il existe un récit (un seul) qui illustre cette haine gratuite, qui apparaît dans le Talmud dans le traité Guittine (55b) :
En raison de Kamtsa et Bar Kamtsa, Jérusalem fut détruite.
Voyez-vous, il y avait un homme qui avait un ami nommé Kamtsa, et un rival nommé Bar Kamtsa. Cet homme fit un festin. Il dit à son serviteur : « Va et ramène-moi Kamtsa ! »
Mais, à la place, son envoyé ramena Bar Kamtsa.
Quand cet homme trouva Bar Kamtsa assis à son festin, il lui dit : « Un instant ! Toi et moi sommes rivaux. Que fais-tu ici ? Lève-toi et sors ! »
Bar Kamtsa répondit : « Puisque je suis déjà là, permets-moi de rester et je payerai pour tout ce que je boirai et mangerai. »
L’homme répondit : « Non ! »
Bar Kamtsa répondit : « Je payerai la moitié de la fête. »
L’homme répondit : « Non ! »
« Je payerai pour l’ensemble de la fête ! »
De nouveau : « Non ! »
Puis cet homme se saisit de Bar Kamtsa et le jeta dehors.
Bar Kamtsa se dit : « Les rabbins étaient présent. Ils n’ont pas protesté. Cela signifie qu’ils étaient contents que je sois jeté dehors ! »
Bar Kamtsa fomenta alors un plan pour calomnier son propre peuple auprès de l’Empereur romain, convaincant celui-ci qu’ils prévoyaient une révolte. Moins de trois ans plus tard, Jérusalem était en ruines, le Mont du Temple était rasé et notre long et pénible exil commençait.
Maintenant, attendez une minute :
C’est très joli que les rabbins s’incriminent eux-mêmes de ce désastre, prenant sur eux tout la charge de culpabilité. C’est très juif.
Et, effectivement, une telle insensibilité est tout à fait inexcusable.
Mais permettez-moi de vous poser seulement trois simples questions :
Une : Est-ce pour cela que Jérusalem fut détruite ? Est-ce le pire péché que l’on pouvait trouver à l’époque ?
Deux : L’histoire ne donne aucune indication de qui était cet homme, ou qui étaient les rabbins indifférents. L’histoire ne fournit que deux noms : « En raison de Kamtsa et Bar Kamtsa, Jérusalem fut détruite. »
Concernant Bar Kamtsa, il n’était sans doute pas quelqu’un de très sympathique : le voisin grincheux moyen ne va pas diffamer la nation tout entière auprès de l’Empereur parce qu’il a été vexé. On pourrait même avancer que sa réputation justifiait d’une certaine manière le traitement dont il fut l’objet.
Mais Kamtsa, qu’a-t-il fait de mal ? Il n’est même pas venu à la fête ! Pourquoi la catastrophe lui est-elle imputée ?
Trois – et le plus important : La punition doit correspondre au crime, car elle a pour but de réparer le crime et de réhabiliter le criminel de sorte que cela ne se reproduise pas. Alors expliquez-moi : comment l’exil et la dispersion à travers le monde peuvent-ils réparer l’indifférence à une fête ?
Mystère résolu
Cette histoire appartient à un genre nommé midrache, dont la lecture obéit à une certaine méthode. L’un des maîtres de l’interprétation midrachique fut Rabbi Yehouda Loewe, qui vécut au 16ème siècle et est connu sous le nom de « Maharal de Prague ». Ici aussi, le Maharal vient à la rescousse.1
La première chose qu’il faut savoir, c’est que si le midrache vous indique un nom, il y a une raison à cela. Le nom signifie quelque chose et, dans ce cas, quelque chose lié au thème de l’histoire.
« Qu’est-ce qu’un kamtsa ? » demande le Maharal. Kamtsa signifie « sauterelle » en araméen.2
Voilà une créature intéressante. Elle se déplace en très grande masse (en fait, certaines d’entre elles le font et nous les appelons alors « criquets » ou en hébreu arbeh, lié au mot ribouï, qui signifie « beaucoup »), mais elle n’a pas de société. Comme dit le proverbe : « Il n’y a pas de roi parmi les sauterelles. »3Pas de dirigeant, pas de hiérarchie, pas de famille, seulement une masse de créatures similaires portée par le vent.
De même, dit le Maharal, nous pouvons avoir une masse de gens qui vivent ensemble, qui travaillent ensemble, qui font même de belles choses les uns pour les autres, mais qui n’ont rien qui les maintienne ensemble mis à part les circonstances. Comme les criquets, ils constituent une multitude de personnes, mais pas un peuple. Ils vivent simplement dans le même pays, en observent les mêmes coutumes, donc, tant qu’à faire, autant vivre en bonne entente.
En quoi est-ce si terrible ?
Parce que ce n’est pas là le peuple juif sur lequel le temple est construit.
Le Premier Temple, écrit le Maharal, avait comme fondement le caractère sacré de la Terre. La terre d’Israël exige la sainteté, en particulier Jérusalem et surtout si l’on veut y avoir un Temple. Lorsque cette sainteté fut profanée par l’adultère, le meurtre et l’idolâtrie, le fondement du Temple disparut, il ne pouvait donc plus se tenir et le peuple fut forcé de partir.
Le Second Temple, cependant, avait comme fondement l’intégrité de la communauté. Les gens revinrent de leur propre initiative de Babylone et se donnèrent pour tâche de repeupler la terre et de reconstruire la ville sainte de Jérusalem et le Temple. Ils vinrent comme un tout unifié, comme une personne animée d’un seul cœur. Et c’est sur cette base que Jérusalem et le Temple furent construits.
Ainsi, quand l’intégrité de la communauté commença à s’effriter, c’est tout le fondement du Temple et de Jérusalem qui s’effrita. Oui, il y avait des Juifs qui étaient amis. Mais l’ami lui-même était un kamtsa : un allié pour la division. Comme l’explique le Maharal, ceux qui veulent créer des divisions prennent toujours un allié, en l’occurrence Kamtsa, de sorte que l’autre puisse être l’ennemi, Bar Kamtsa. Et ceci en soi était un signe que l’ensemble du système était compromis. C’était une société de kamtsas, une masse d’individus maintenus ensemble par le vent, par les circonstances.
La dispersion comme remède
Comment l’exil et la dispersion sont-ils le remède pour guérir une communauté effritée ?
C’est simple, écrit le Maharal : parce que, dans un tel exil, les Juifs ne constituent plus une nation du fait de circonstances géographiques, pas même du fait qu’ils mangent la même nourriture, qu’ils s’habillent de manière semblable ou qu’ils parlent la même langue. Dispersés aux quatre coins du globe, géographiquement, culturellement et psychologiquement, nous sommes obligés de découvrir l’unité essentielle de notre peuple dont nous nous étions si facilement défaits lorsque nous vivions ensemble sur une même terre.
Et nous y sommes parvenus. Nous l’avons découverte d’une manière telle qu’elle peut ne plus jamais être perdue.
Ce qui est extraordinaire.
Oui, je peux entendre les objections : « Ce n’est pas assez bien ! Il y a des disputes ! Il y a de la haine, même des Juifs honteux ! Et il y a le mépris d’un groupe envers l’autre ! »
Ceux-là sont les idéalistes.
Quand Jérusalem fut détruite, il y avait deux écoles de pensée parmi les sages, les Chammaï-niks et les Hillel-niks. Les Chammaï-niks étaient idéalistes. Les Hillel-niks dirent : « Voyons ce que les gens peuvent supporter. »
Heureusement pour nous tous, les Hillel-niks l’ont emporté. Parce que sinon, cet exil durerait à jamais.
Si vous êtes un pragmatique, si vous pouvez prendre en compte la nature humaine, c’est extraordinaire.
L’unité se révèle
Trois adolescents ont été enlevés et, trois semaines durant, dans quelque lieu de culte juif où j’ai pu me rendre, on priait pour ces garçons. De Singapour à Santa Cruz, du shtibel Satmar au temple réformé, les noms de ces garçons étaient sur ​​les lèvres et dans les cœurs de tous ceux qui venaient prier. Les tweets, les Whatsapps, les likes sur Facebook venaient de toutes les sortes de Juifs imaginables. Des personnes qui n’ont jamais vécu en Israël, peut-être même jamais visité Israël se sentaient concernées. Vraiment concernées.
Un peuple qui a été dispersé dans le monde entier pendant deux millénaires a prié pour ces garçons, a allumé des bougies de Chabbat pour ces garçons, s’est uni pour ces garçons, parce que c’était des garçons juifs. Parce que nous sommes un.
Au bout de trois semaines, le troisième jour du mois juif de Tamouz, nous avons entendu les nouvelles et les cœurs d’Israël dans le monde entier se sont arrêtés de battre. Beaucoup étaient en colère contre D.ieu – comment pouvait-Il laisser toutes ces prières, tout cette unité, se dissiper comme ça dans le vide ?
Mais il s’est avéré qu’il n’y avait pas de vide.
Il s’est avéré que ceux qui veulent nous détruire avaient construit un vaste réseau de tunnels d’attaque, une cité cachée abritant une armée de terroristes et des stocks d’armes et de munitions mortelles et débouchant près des écoles maternelles et des réfectoires des villages juifs du sud d’Israël.
Leur plan était le plus démoniaque que l’on ait entendu dans l’histoire : massacrer et enlever des centaines d’enfants et de civils israéliens le saint jour de Roch Hachana. Et ensuite attaquer du sol, de l’air et de la mer. Tout missile que nous tirerions signifierait une victime instantanée pour Israël, peu importe où ce missile frapperait. Comme l’a dit un député de la Knesset, la catastrophe aurait surpassé de loin tout ce qu’Israël a jamais connu, y compris les pertes tragiques de la guerre de Kippour.
Vu de l’extérieur, ce fut l’enlèvement de ces trois garçons qui déclencha une réaction en chaîne d’événements qui ont déjoué ce cauchemar. Énervés par nos incursions pour arrêter les ravisseurs, nos ennemis ont tiré leurs missiles trop tôt. Nous avons été obligés de les envahir. Et nous avons pris des prisonniers de guerre qui nous ont révélé leur plan monstrueux.
Mais, en regardant plus loin, nous avons été sauvés par les tunnels que nous avions nous-mêmes construits. Des tunnels sous la surface, reliant un Juif dans ce pays à un Juif dans un autre, un Juif à cette extrémité du spectre à un Juif à l’autre extrémité – des tunnels, non pas sous terre, mais dans les cieux ; des tunnels, non pas de terreur, mais des tunnels d’amour.
Un jeune Juif bardé de tatouages dans un vol pour Israël a découvert que le rabbin moderne-orthodoxe assis à côté de lui était en mission pour exprimer la sympathie de sa communauté aux familles de ces trois garçons. Cela a déclenché quelque chose en lui. Il a demandé à emprunter le talith et les téfilines du rabbin. Et puis il a dit : « Rabbin, à Seattle, d’où je viens, je ne sais pas où trouver ces boîtes en cuir noir. Mais si je les avais, je les mettrai tous les jours. »
C’est-à-lors qu’un ‘hassid de Satmar – ce que les médias appellent un ultra-ultra-orthodoxe – s’est penché depuis le siège de derrière et a dit : « Cher Juif, si vous promettez que vous les mettrez tous les jours, je vous en enverrai par poste rapide à mes frais. »
Engagés dans une discussion, ces trois juifs se seraient probablement écharpés sur pratiquement n’importe quel sujet. Mais en tant que peuple, ils sont un, avec une Torah, un cœur et une paire de boîtes de cuir noir.
Et maintenant, nous prions tous pour la sureté de ces héros qui mettent en danger leur vie pour que les nôtres en Israël puissent vivre en paix. Nous prions ensemble pour la sureté de toute personne attaquée, parce que chaque vie est infiniment précieuse. Nous vérifions les nouvelles chaque matin comme si cela se passait ici. Et c’est le cas, car un Juif à Paris, à Berlin, à Los Angeles ou à Calgary peut être attaqué, à D.ieu ne plaise, en raison de ce que ses frères juifs font pour se protéger en Israël. Nos ennemis savent bien que nous sommes un.
L’exil et la dispersion ont produit un miracle. Ils ont fait ressortir une unité organique et irréductible de notre peuple qui n’aurait autrement pas pu être imaginée.
Cet exil à fait son travail. Il est désormais temps qu’il s’achève.
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.



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NOTES
Dans ses ‘Hidouchei Aggadot sur l’histoire de Guittine.
Voir Edouyot, chapitre 8. Sur les mots (Nombres 13,33) : « ...nous étions à leurs yeux comme des sauterelles », la traduction araméenne d’Onkelos donne pour sauterelles « kamatsim ».
Proverbes 30,27.


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