Machia’h dans chaque génération
par Menahem Brod
Est-il permis de désigner une personne comme étant le Machia’h ? Certains sont choqués par cette idée même, et s’exclament : « Comment peut-on dire d’un être humain qu’il est le Machia’h ? » De cette réaction, on comprend que, pour ces gens-là, le Machia’h n’est pas une personne, mais plutôt quelque chose d’abstrait...
Certes, si l’on considère le Machia’h comme une entité nébuleuse qui tombera du ciel, ou bien si l’on pense qu’il est exclus qu’il vienne de notre temps et que son avènement appartient à quelque lointaine époque, il est naturel d’être troublé quand on entend que le Machia’h est un être humain, un homme de chair, qui est présent parmi nous. Toutefois, lorsque l’on examine un tant soit peu le sujet tel qu’il apparaît dans les sources juives, il ressort clairement que telle en est la conception dans le Judaïsme : le Machia’h est un homme, un Juif, un juste parfait, qui vit en notre temps et qui attend que D.ieu l’envoie délivrer le peuple d’Israël de son exil.
« Comme moi »
Il est probable que la gêne à désigner quelqu’un comme étant le Machia’h soit un phénomène relativement récent dans l’histoire juive, dû aux bouleversements suscités il y a quelques siècles à peine par plusieurs faux messies. Cependant, la leçon qu’il convient de retirer de l’égarement des masses qui se laissèrent séduire pas ces imposteurs n’est certainement pas qu’il ne faut plus croire en la venue du Machia’h – à D.ieu ne plaise ! – ou en la possibilité que le « tsadik de la génération » se révèle comme étant le Machia’h, mais qu’il faut s’attacher à la Torah et au respect de ses directives et de ses critères et ne pas se laisser aveugler par des personnages charismatiques. Toutefois, en soi, identifier un tsadik de notre temps au Machia’h, est quelque chose de parfaitement licite d’après la Torah.
En leur temps, les Juifs du Yémen demandèrent à Maïmonide de réagir aux rumeurs selon lesquelles une certaine personne était le Machia’h. Dans sa réponse,1 Maïmonide démontra que cet homme, qui n’avait que « peu de connaissances » et dont les qualités personnelles étaient largement insuffisantes, n’était pas le Machia’h. Mais il ne déclara pas à ses correspondants que le fait de considérer une personne qui en soit digne comme étant le Machia’h soit problématique. Bien plus, dans son œuvre législative, Maïmonide tranche la loi en statuant2 qu’il nous appartient d’identifier le Machia’h sur des critères touchant à sa personne et à ses actions, sans attendre ou exiger qu’il accomplisse des prodiges surnaturels.
De fait, le Talmud relate qu’à son époque diverses personnalités avaient été ainsi désignées. Le traité Sanhédrine3 rapporte que les élèves de différentes académies talmudiques avaient coutume de dire que le nom du Machia’h était celui de leur maître, ce qui indique qu’ils considéraient leurs maîtres respectifs comme dignes d’être le Machia’h.
Le sage du Talmud dénommé « Rav » tint des propos plus explicites encore : « S’il fait partie des vivants, il est comme Rabbénou haKadoche. », ce que Rachi explique comme signifiant : « Si le Machia’h fait partie de ceux qui vivent actuellement, c’est assurément Rabbénou haKadoche, qui souffre de maladies et qui est extrêmement pieux. » C’est-à-dire que Rav, qui vécu dans la première génération des amoraïm – les sages du Talmud – et qui était l’un des disciples de Rabbi Judah le Prince (qu’ils appelaient alors « Rabbénou haKadoche », « notre saint maître »), a clairement statué que le Machia’h dans sa génération était son maître, Rabbi Judah le Prince !4
Mais il y a plus fort. Dans le même passage, Rav Na’hman énonce quelque chose d’encore plus surprenant, à savoir que lui-même est digne d’être le Machia’h : « Rav Na’hman dit : S’il fait partie des vivants, il est comme moi. » Rav Na’hman dit que si l’on cherche un candidat à la fonction de Machia’h dans leur génération, il se doit de lui ressembler !
Le « tsadik de la génération »
On retrouve dans de nombreux livres le principe selon lequel le Machia’h est un homme qui vit en chaque génération, et, au moment où le peuple juif le méritera, il se révélera et l’amènera à la rédemption :
Rabbi Ovadia de Bartenora dit5 : « En chaque génération naît un descendant de Judah qui est digne d’être le Machia’h pour Israël. ». Le ‘Hatam Soferexplique : « Lorsque le moment viendra, D.ieu se révélera à lui et l’enverra et alors se révélera en lui l’âme du Machia’h qui était demeurée cachée en haut. »6 Ce à quoi l’auteur du Sdei ‘Hemed ajoute7 : « De cette manière, en chaque génération, son identité était supputée... Et c’est en fonction de ce principe que les disciples du Ari Zal ont écrit qu’à leur époque, c’était le Ari Zal. »8
De même, plusieurs grands érudits ont suggéré qu’ils étaient le Machia’h.9 On a également dit de certains grands tsadikim dans les générations récentes, tels que le « ‘Hidouchei haRim » de Gour, Rabbi Israël de Roujine, l’auteur duTséma’h Tsadik de Viznitz et d’autres, qu’ils étaient dignes d’être le Machia’h.
Car telle est la foi juive en la venue du Machia’h : qu’un Juif tsadik vivant dans cette génération se révélera en tant que Machia’h, rapidement et de nos jours.
NOTES | |
1. | Dans « l’Épître au Yémen. |
2. | Lois des Rois 11:4. |
3. | p. 98b. |
4. | Voir Sefer HaSi’hot 5751, vol. 2, p. 496 note 67. |
5. | Dans son commentaire du Ruth. |
6. | Responsa ‘Hatam Sofer, ‘Hochen Michpat, Recueils chap. 98. |
7. | Péat HaSadeh, Maarekhat haAleph, principe 70. |
8. | Voir le Kountres Mikdach Meat (Kehot 5752), notes 57-58. |
9. | Comme Rabbi Chakhna, le maître du Rama, qui écrivit : « Son nom est Chakhna », ou Rabbi ‘Haïm ben Attar, auteur du Ora’h ‘Haim, qui écrivit (dans son commentaire sur Deutéronome 15,7) : « Le Machia’h de D.ieu et son nom est ‘Haïm ».
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.
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