Pourim sans Koby
Quand le cœur se révèle
par Sherri Mandell
Koby Mandell a été horriblement assassiné en Israël par des terroristes palestiniens avec son ami Yossef Ishran, le 8 mai 2001. Ils avaient 13 ans.
On m’a demandé d’écrire un article intitulé « Pourim sans Koby ». Mais je ne peux pas écrire à propos de Pourim sans Koby parce que, même si Koby est décédé, je ne célèbre pas Pourim – ni rien d’autre – sans Koby.
Dans un article paru dans le New York Times, Steven Flatow écrivait que même si sa fille Aliza avait été assassinée par des terroristes, il restait le père d’Aliza. Moi je suis toujours la maman de Koby, je ne cesserai jamais de l’être.
Tenter d’expliquer ma relation actuelle avec Koby est comme tenter d’expliquer ce que c’est d’être aveugle à une personne qui voit. Je parle un autre langage désormais.
C’est comme se trouver dans une maison hantée – ou un sanctuaire. Il y a des moments où je ressens une douleur terrible et j’ai l’impression que je serai toujours hantée. Je remarque comment les gens me regardent parfois et je me souviens de la maison hantée devant laquelle je passais quand j’étais enfant. Contrairement à nos maisons modernes, celle-ci était vieille, faite en briques sombres, avec des toits en aiguilles et des fenêtres rondes. Peut-être que maintenant je la trouverais curieuse, intéressante, voire même jolie. Car ce qui est hanté peut aussi être auréolé, sanctifié en se perdant dans quelque chose de plus grand, en s’attachant plus fort à D.ieu. Tout dépend de la façon dont vous traduisez votre expérience.
Pourim nous enseigne que notre monde est une réalité dont le sens est caché. Le nom d’Esther, l’héroïne de l’histoire de Pourim, est lié au mot hébraïque qui signifie « dissimulation ». Dans la Méguila de Pourim, le nom de D.ieu n’est jamais mentionné, bien qu’Il ne soit pas absent de l’histoire.
Pour rencontrer D.ieu, nous devons passer de notre position orgueilleuse et adopter une posture d’humilité, accroissant notre propre dissimulation. Ce n’est qu’alors que nous ressemblerons à la reine Esther : elle aurait pu rester dans le palais royal où elle vivait dans le luxe, avec massages, parfums et maquillages, mais elle choisit au contraire de ressentir la souffrance de son peuple. Esther n’a pas laissé son statut de reine lui monter à la tête.
C’est peut-être notre rôle dans ce monde : être davantage en phase avec d’autres gens, ressentir leur douleur et leurs problèmes, agir en osmose avec eux. Peut-être est-ce là ce qu’il convient de célébrer : notre capacité à nous aider les uns les autres à progresser vers la guérison ; à dépasser notre propension à l’égoïsme pour nous sentir unis avec ceux qui nous entourent. Une telle unité peut mener vers la guérison.
Moins d’un an après l’assassinat de notre fils, mon mari et moi-même avons marqué notre anniversaire de mariage par un dîner au restaurant. Je ne peux pas dire que nous avons « célébré », parce que nous étions trop tristes. Quand nous sommes entrés dans l’établissement, la souriante serveuse, avec ses cheveux noirs étincelants, débordait d’enthousiasme et d’effervescence d’une manière qui força mon admiration. J’ai pensé en moi-même : « Elle n’a aucune idée de la douleur qui m’accompagne, du poids de ce que je porte en moi. »
Tandis que nous prenions notre repas, mon mari et moi avons pensé que ce restaurant serait l’endroit parfait pour marquer prochainement ce qui aurait dû être le quinzième anniversaire de Koby. Nous voulions inviter quinze personnes pauvres ou en détresse au restaurant pour marquer ce jour important – pour se souvenir du défunt en apportant de la joie aux vivants.
Nous avons parlé au directeur de l’établissement de notre projet. Il mentionna qu’il travaillait bénévolement dans un centre de réhabilitation non loin de là où il aidait des adolescents issus de familles pauvres, de foyers désunis et il pensait que ces jeunes apprécieraient cette sortie avec nous. L’idée prenait forme pratiquement d’elle-même. Nous n’avions pas pensé inviter des adolescents, mais il y avait là une certaine logique : Koby était adolescent lorsqu’il a été tué. Nous avons remercié le directeur pour sa suggestion. Avant qu’il ne s’éloigne, mon mari lui demanda : « Connaissez-vous la famille Goodman ? Ils habitent non loin d’ici. Ils ont perdu leur fils de seize ans, Tani, cette année, dans un accident – nous sommes allés aux « Chiva »1 – et je voudrais savoir comment ils vont. »
« Vous pouvez le leur demander vous-même. Votre serveuse est leur fille. »
Je la regardai, si belle et si gaie, et je me dis : « On ne sait jamais ce qui se passe à l’intérieur d’une personne. » Je l’avais mal jugée. Quand elle vint à notre table, je lui racontai notre deuil et elle nous parla du sien.
Au cours de notre conversation, je réalisai combien des pans entiers de notre vie sont cachés. Nous ne voyons pas à l’intérieur des autres.
Alors que nous échangions nos impressions, mon mari et moi-même nous sentions moins isolés. La douleur s’était estompée pendant un moment. La guérison peut se produire quand nous choisissons de révéler ce qui est caché en nous. Alors la douleur ne nous hante plus, mais nous rapproche les uns des autres.
Si nous ne parvenons même pas à voir ce qui est à l’intérieur des gens, imaginez combien il est difficile de voir D.ieu dans ce monde. Mais Pourim nous enseigne que même quand nous ne pouvons pas voir D.ieu, Il est avec nous. Même si tout semble signifier le contraire, D.ieu ne nous abandonne pas dans notre chagrin.
L’Chaim – reproduit avec la permission du Kosher Spirit Magazine
NOTES | |
1. | Conclusion de la semaine de deuil. Ndt |
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.
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