Ne pas le sous-estimer
par Mendel Kalmenson
Au bout de trois millénaires, la mitsva de charité, donnée par D.ieu à nos ancêtres dans le désert, a doucement commencé à s’installer dans la réalité du monde.
La société d'aujourd’hui commence heureusement à mettre en valeur les actes de philanthropie.
Et bien que beaucoup de ces dons soient motivés par la publicité – les publicistes intelligents de notre époque savent que les actes charitables améliorent de façon substantielle la popularité de leurs clients –, cela même est édifiant sur la progression des valeurs morales de la civilisation moderne et de ses attentes vis-à-vis de ceux qu’elle adule.
La charité ne signifie pas seulement remplir des estomacs vides, mais également nourrir les cœurs malheureux...Ce que l’on perd souvent de vue, cependant, est le fait que la charité ne signifie pas seulement remplir des estomacs vides, mais également nourrir les cœurs malheureux, les esprits ignorants, les consciences perdues et les âmes stagnantes.
Alors qu’une désormais célèbre sentence juive statue : « Celui qui sauve une vie est considéré comme s’il avait sauvé un monde entier »,1 selon l’un des Sages du Talmud, « Celui qui enseigne la Torah au fils de son voisin est considéré par l’Écriture comme s’il l’avait créé. »2
En clair, la sagesse juive voit le sauvetage de la vie physique et le don de la vie spirituelle comme les deux côtés de la médaille de la charité. À certains, on donne de l’argent, à d’autres, on donne du sens.
Une leçon de charité
Plusieurs fois dans l’année, en général à l’époque de Roch Hachana et de Pessa’h, le Rabbi adressait une lettre ouverte « aux fils et filles d’Israël, où qu’ils se trouvent ». Elle était imprimée et distribuée aux communautés juives à travers le monde, traduite, publiée dans les journaux, etc. Ce qui suit est un extrait, en traduction libre, de la toute première « lettre collective » écrite par le Rabbi, datée du 18 Eloul 5710 (31 août 1950), quelques mois après la disparition de son beau-père, le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn.3
L’homme, comme toutes les créatures... possède à la fois un corps et une âme. Et tout comme il y a ceux qui sont pauvres dans leur corps et dans leurs besoins physiques, il y a aussi des pauvres dans l’esprit et dans les besoins spirituels. Aussi, la mitsva de la charité comprend-elle à la fois la charité matérielle et la charité spirituelle. Selon les paroles de nos Sages : « [Il est écrit :] “Si tu vois une personne dénudée, tu dois la couvrir.”4 Qu’est-ce que cela signifie ? Si tu vois une personne nue de paroles de Torah, emmène-la chez toi, apprends-lui à lire le Chéma et la prière, enseigne-lui... et enjoins-la d’accomplir les mitsvot... »5
Et voici la « bombe », un enseignement qui, à mon sens, défie l’intuition :
« Il n’existe pas dans le peuple d’Israël d’homme ou de femme qui ne puisse, d’une manière ou d’une autre, influencer son prochain juif » – Le RabbiEn ce qui concerne la charité matérielle, la loi stipule que le pauvre a aussi l’obligation [de donner], car même la personne la plus nécessiteuse peut trouver un moyen d’aider un autre pauvre.6 La même chose s’applique à la charité spirituelle. Il n’existe pas dans le peuple d’Israël d’homme ou de femme qui ne puisse, d’une manière ou d’une autre, influencer son prochain juif et le rapprocher de la crainte du Ciel, de la Torah et des mitsvot.
Dans le même esprit, le Rabbi citait souvent la merveilleuse parole ‘hassidique : « Si tu ne connais que aleph (la première lettre de l’alphabet hébreu), enseignealeph ! »
Mais comment est-ce possible ? nous demandons-nous immédiatement.
« Comment, moi qui suis un étudiant en difficulté avec peu d’éducation, un débutant, tout au plus, puis-je avoir la ‘houtspah d’enseigner à d’autres ce que je ne connais moi-même que si peu ? » sommes-nous tentés de demander.
Une bonne question, effectivement. Et, à la célèbre manière juive, on peut y répondre par une meilleure question encore, posée par le Rabbi dans l’entrevue suivante :
Herb Brin, un auteur réputé et rédacteur dans quatre journaux, rencontra le Rabbi après être devenu le rédacteur en chef du journal juif basé à Los AngelesHeritage. L’entrevue privée dura six heures. À un moment donné, l’échange suivant eut lieu :
« Rabbi, je viens d’être nommé rédacteur en chef d’une publication juive. Le problème est que je ne connais que très peu de choses sur mon peuple et son héritage. Ai-je le droit d’émettre des jugements dans mes éditoriaux alors que je ne comprends pas l’hébreu, que mon éducation juive a été tronquée et que je ne sais que quelques fragments de Yiddish ? »
Le Rabbi le regarda dans les yeux et lui dit : « Avez-vous le droit de taire la part que vous connaissez ? »
Comment puis-je promouvoir la pratique d’un style de vie avec lequel je ne suis pas encore en phase ?Magnifique, mais qu’en est-il de cette question : disons qu’en tant qu’étudiant, j’ai le droit, voire l’obligation d’enseigner, d’informer, d’éduquer, de partager desinformations avec ceux qui ne sont pas informés. Mais comment oserais-je encourager les autres à observer lespratiques juives ? Comment promouvoir la pratique d’un style de vie avec lequel je ne suis pas encore bien en phase ?
Voilà encore une bonne question ; à laquelle on peut réponde par une meilleure question.
Un étudiant s’approcha du Rabbi au milieu d’un rassemblement ‘hassidique pour dire le’haïm. Le Rabbi se tourna vers lui et lui demanda s’il encourageait et aidait ses amis étudiants à mettre les Téfilines chaque jour. « Mais, Rabbi, reconnut le jeune homme, moi-même je ne mets pas les Téfilines tous les jours ! »
« En quoi est-ce de leur faute... ? » répliqua le Rabbi avec un sourire.
En somme, le Judaïsme nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire d’être riche pour donner au pauvre, d’être érudit pour enseigner à celui qui ne sait pas et d’être parfait pour aider les autres à se perfectionner.
NOTES | |
1. | Sanhédrine 37a. |
2. | Ibid. 99b. |
3. | Publiée dans Iguerot Kodech vol. 3, p. 463-4. |
4. | Isaïe 58,7. |
5. | Tanna Devei Eliyahou Rabbah, chap. 27. |
6. | Code de Loi Juive, Yoreh Deah 248:1.
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.
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