Machia'h arrive, le saviez-vous?
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil

jeudi 11 décembre 2014

Si difficile au pays de l’abondance?


D’accord, c’était un peu tard pour s’en occuper, vendredi après-midi, c’est-à-dire juste quelques heures avant ‘Hanouccah. Mais je n’étais pas inquiète : j’habite à New York, la plus grande ville juive du monde et je travaille à Manhattan, le cœur du monde, où l’on trouve tout ce qu’on veut à toute heure du jour et de la nuit. Et tout ce que je désirais, c’était une boîte de bougies pour ‘Hanouccah. Facile !
Premier essai : « Dean and Deluca », une épicerie pour connaisseurs avec un grand rayon d’articles de cuisine au fond. Sûre de moi, je doublais la file de clients extenués, attablés au café, heureux de payer trois fois leur prix un expresso ou un bol de céréales, de quoi se donner le cœur (et l’estomac) pour acheter encore davantage. Certainement je trouverais dans le rayon droguerie des bougies de ‘Hanouccah, même si je devais les payer trois fois leur prix. Effectivement, leurs bougies coûtaient à peine vingt dollars mais elles étaient en cire d’abeille, ternes – ce qui était peut-être très élégant selon certains mais… non, elles ne me convenaient pas. Elles étaient sans doute agréables à contempler dans une cuisine rustique mais pas sur ma Menorah.
Prochain arrêt : « Gate and Barel » qui abrite un rayon « fêtes ». Bien entendu, les guirlandes de houx et les sapins décorés de boules multicolores, les bonhommes de neige et personnages barbus coiffés d’une toque rouge y abondaient. Comment trouver mes bougies de ‘Hanouccah dans cette abondance qui ne me convenait pas ?
J’approchai un vendeur : « Avez-vous des bougies de ‘Hanouccah ? ». J’avoue que ma question – et moi-même – étions plutôt hors-sujet…
« Oui, bien sûr, par là, répondit-il poliment. Mais je crois que nous sommes en rupture de stock de chandeliers ! »
Il me guida loin de la foule vers un coin que j’avais raté, juste à gauche de l’entrée. Oui, il y avait des boîtes de bougies et on pouvait choisir : bleues ou blanches.
Là, je réalisai qu’il y avait un problème. Moi je voulais des vraies bougies de ‘Hanouccah, avec les spirales, dans une boîte bleue, avec des lettres hébraïques et l’image stylisée d’une Menorah en or, avec des bougies de couleurs assorties. Quand nous étions petites, ma sœur et moi nous discutions passionnément pour savoir quelles couleurs utiliser chaque soir. A mon âge, j’étais prête à renoncer à la couleur de la boîte, mais certainement pas à n’utiliser que des bougies bleues ou que des bougies blanches !
Pas question !
Prochaine étape : un magasin exotique. Je sais ce que vous pensez : elle perd son temps, elle ferait mieux de retourner à Brooklyn, dans les quartiers typiquement juifs. Mais j’étais presque en rage. Cette ville est pleine de Juifs ! Ces magasins qui préparent un choix de neuf cents décorations pour les sapins de nos voisins ne penseraient donc pas à nous offrir plus de choix pour nos bougies de ‘Hanouccah ? D’accord, ce ne sont pas des décorations mais cela ne veut pas dire qu’elles devraient être ou toutes bleues ou toutes blanches !
Stylé, l’employé était aussi flegmatique. Il revint avec une poignée de bougies dans un cellophane tout simple. Blanches. Elles étaient toutes blanches.
« Blanches ? J’étais presque en colère. Non merci ! Par pour moi ! »
Je tournai le dos pour partir, comme si je lui avait dit : « Honte à vous ! ». De fait, c’était moi qui devais avoir honte de prétendre trouver des bougies de ‘Hanouccah dans un magasin de meubles exotiques juste quelques heures avant la fête…
Résignée, j’entrai néanmoins dans une grande pharmacie dont la préparatrice ne fit aucun geste pour m’aider : « Non ! » Evidemment…
Dernier essai, on ne sait jamais : « Sur la Table », un magasin de fournitures culinaires. J’étais déjà persuadée que c’était inutile. J’avais l’impression que je voulais m’infliger une punition. Peut-être pour rabaisser mon ego…
Je traversai le rayon des fournitures pour « fêtes ».
Au bout du magasin, je trouvai un employé reconnaissable à son tablier et sa chemise blanche.
« Hum… Excusez-moi : avez-vous des bougies de ‘Hanouccah ? »
Il me lança un regard étrange. Apparemment ma question l’avait touché. Etait-il juif ? Etait-il philo-sémite ? Ou peut-être antisémite ?
« Oui, vous êtes au bon endroit ! » lâcha-t-il une fois qu’il eut retrouvé ses esprits. Il me mena vers une boîte contenant neuf bougies, blanches bien sûr. J’allais recommencer ma tirade : non, je ne veux pas des blanches ! Mais je le vis se baisser, vers l’étagère où auraient dû se trouver les bougies de ‘Hanouccah. Elle était vide. « Hum… Attendez un instant ! » dit-il en s’éclipsant.
J’étais soudain très, très fatiguée. Je me disais que je devais plutôt rentrer chez moi mais, quand il réapparut une minute plus tard, il portait un sachet bleu marine : « Vous savez, avoua-t-il, je suis un mauvais Juif ! »
Oh non ! Qu’est-ce que cela signifiait ?
- Moi aussi, je n’avais pas de bougies de ‘Hanouccah. Mais l’autre jour, j’ai aperçu deux Loubavitch, vous savez ces jeunes, barbus, avec un chapeau noir, ils distribuent justement des bougies en vous recommandant de les allumer…
- Oui, je connais !
- D’habitude je traverse la rue pour les éviter, mais cette fois, je suis allé à leur rencontre et ils m’ont donné deux boîtes. En voici une pour vous, si vous voulez !
- Vraiment ?
Je devais avoir une baisse de tension – (après tout, j’aurais peut-être dû me restaurer auparavant !) mais j’étais sur le point de fondre en larmes devant cette aventure.
Il ouvrit le paquet et fouilla à l’intérieur.
« Voici ! dit-il d’un ton triomphant en me tendant le paquet traditionnel, oui, exactement celui auquel j’étais attaché depuis ma tendre enfance !
Regardez ! Ils m’ont même donné une toupie ! Elle est à vous ! »
Julie Subrin - L’Chaim
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.


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Le cheminement vers la Délivrance

Six mille ans d'Histoire

par Menahem Brod

Le monde évolue suivant un plan divin qui précède à son existence (il n'est pas de notre propos de discuter ici de la question connue de l'influence du libre arbitre sur le destin). Ce plan concerne la Création dans son ensemble, sa finalité étant la réalisation de la volonté du Créateur d'avoir « une résidence dans les mondes inférieurs », lors de l'ère que la tradition appelle « Monde futur ». Ce plan s'étale dans le temps sur trois périodes, trois phases, dénommées respectivement « Tohou » (le « chaos »), « Torah » et « Yémot Hamachia'h – l'ère messianique ».
Le Talmud1 précise l'étendue de ces trois périodes : « Le monde a pour durée six mille ans : deux mille ans de Tohou, deux mille ans de Torah et deux mille ans d'ère messianique. » La période de Tohou se termina lorsque notre père Avraham acheva de convertir les gens de son pays au monothéisme, comme le dit la Torah : « les âmes qu'ils (lui et Sarah) avaient faites à 'Haran ». C'est alors que commença la période dite de Torah : Avraham commença à diffuser dans le reste du monde la foi en un D.ieu unique. Le Midrache enseigne en effet que « Jusqu'à Avraham, le monde évoluait dans l'obscurité. Avec sa venue, la lumière a commencé à briller. » C'était à la fin du deuxième millénaire après la création du monde, Avraham était alors âgé de 52 ans.
La période de Torah s'est terminée vers la fin du quatrième millénaire, juste après la conclusion de la Michna, avec le début de la période des Amoraïm, les Sages de la Guémara. La conclusion de la période de Torah s'exprime aussi dans le fait qu'après la clôture de la Michna, les Sages qui succédèrent auxTanaïm – les Sages de la Michna – n'étaient plus investis du degré d'autorité juridique qui permettait à leurs prédécesseurs de trancher la Halakha – la loi juive – de manière aussi absolue. Ce fut alors que commença la troisième période : Yémot Hamachia'h, l'ère messianique.
« L'ère messianique »
Le fait que cette période dure depuis 1868 ans nous porte à nous interroger sur sa nature « messianique ». En effet, ce fut une période d'exil longue et douloureuse, jalonnée de tragédies et de persécutions multiples ! En quoi peut-elle être qualifiée de messianique ?
En réalité, la signification de cette appellation est qu'il s'agit d'une époque au cours de laquelle le Machia'h aurait pu venir. Selon Rabbi Its'hak Abrabanel2ces deux mille ans sont appelés « Yémot Hamachia'h » car « ce sont des jours propices à sa venue, si la génération est méritante. » Il compare cette expression avec celle de « Yémot Haguechamim », « la saison des pluies », qui n'implique pas qu'il pleuve en permanence, mais « qui sont des jours propices à la pluie plus que les autres jours de l'année. De même, les deux mille dernières années sont des années propices à la venue de Machia'h. »
Le Maharal de Prague3 explique qu'avant le début de cette période, le Machia'h ne pouvait pas venir, quand bien même le Peuple Juif aurait atteint le summum du mérite. Cependant, dès lors que le monde est entré dans cette ère, cela ne dépend plus que de nous : si nous l'avions mérité, la Délivrance serait intervenue dès le début de cette période ; en l'absence d'un tel mérite, la Délivrance tarde. Elle viendra néanmoins nécessairement au cours de cette période qui, dans sa globalité, est une période de préparation à la Rédemption messianique.
Six jours, six millénaires
Par delà la division globale des six millénaires en trois périodes enseignée par le Zohar, certains Sages d'Israël ont donné des subdivisions plus détaillées de l'histoire du monde qui expriment comment l'enchaînement des évènements au fil des millénaires correspond au plan divin.
Le Ramban4 (Na'hmanide) explique que les six millénaires que compte actuellement notre monde sont parallèles aux six jours de la création : « Les six jours sont eux-mêmes toute l'existence du monde, car celui-ci durera six mille ans. C'est pour cela qu'il est écrit dans les Psaumes que “le jour de D.ieu dure mille ans”. » Dans son commentaire, le Ramban met ensuite en évidence plusieurs similitudes entre les évènements émaillant chaque jour de la création avec le millénaire qui lui correspond.
Cet enseignement est repris de manière encore plus détaillée dans les enseignements de la 'Hassidout5 : les six jours de la création, comme les six millénaires du monde, correspondent aux six attributs divins : la largesse ('Hessed), la rigueur (Guevoura), l'harmonie (Tiferet), la persévérance (Netsa'h), la gloire (Hod) et la fondation (Yessod).
Le premier jour de la création fut celui de la révélation de la bonté et de la largesse de D.ieu. C'est pour cela que la lumière infinie fut créée en ce jour. De la même manière, le premier millénaire fut caractérisé par une largesse et une abondance considérables : les hommes vivaient plusieurs siècles, se « nourrissant » de la bonté de D.ieu. Le deuxième jour fut marqué par la rigueur de D.ieu : il fut créé une séparation entre les eaux « d'en bas » et les eaux « d'en haut ». Le deuxième millénaire vit aussi l'expression de la rigueur et la justice divines lors des épisodes du déluge et de la tour de Babel.
Le troisième jour, au sujet duquel la Torah dit à deux reprises que « c'était bien », brilla l'attribut de Tiferet, l'harmonie. Le monde commença à être viable : la terre ferme apparut, les plantes et les fruits commencèrent à pousser. Parallèlement, lors du troisième millénaire commença à se dévoiler la finalité de la création : il y eut la sortie d'Égypte, le Peuple Juif fut choisi par D.ieu et la Torah fut donnée.
Les autres jours de la création sont également reliés aux millénaires correspondants : le quatrième jour, les luminaires célestes furent suspendus et, lors du quatrième millénaire, les deux Temples à Jérusalem fonctionnèrent successivement, desquels sortit la lumière divine qui illumina le monde entier. Le cinquième jour les eaux se remplirent de créatures aquatiques et les oiseaux prirent leur envol, ce qui fait allusion à la domination des Nations du monde sur Israël lors du cinquième millénaire.
C'est ainsi que nous parvenons au sixième jour lors duquel le monde parvint à sa perfection avec la création de l'Homme. Ceci fait allusion à la plénitude que le monde atteindra lors du sixième millénaire qui verra la « création » et la révélation de l'homme le plus parfait qui soit : le roi Machia'h, autrement dit le Messie. Dans les mots du Ramban : « Il s'agit du descendant de David qui sera créé à l'image de D.ieu. » Ainsi, le sixième millénaire prépare le monde à la Rédemption et c'est pendant cette période que vient et se dévoile le Machia'h.
« Le talon du Machia'h »
Au sein même du sixième millénaire, la période la plus déterminante et la plus chargée de sens est celle de sa conclusion, connue sous le nom araméen de « Ikvéta deMéchi'ha – le talon du Machia'h ». Ce nom porte en lui le double visage de cette période : d'une part, il s'agit du « talon », la partie la plus basse du corps, une masse de chair brute et insensible. D'autre part, il s'agit du « talon du Machia'h », une période où les pas du Machia'h qui approche commencent à résonner dans le monde6.
Ainsi, si l'on examine les sources, cette période se distingue par deux mouvements opposés : d'un côté, elle voit le début de la préparation à la Rédemption messianique et, d'un autre côté, c'est une période extrêmement dure marquée par la perte des valeurs morales et spirituelles et par des évènements tristes et douloureux.
Le livre du Zohar7 explique que le sixième millénaire verra « la Présence Divine se relever de la poussière », suivant un processus graduel. Selon le Zohar, une étape décisive de ce processus sera atteinte lorsque « au sixième siècle du sixième millénaire s'ouvriront les portes de la sagesse en haut et les sources de la sagesse en bas et le monde se préparera à pénétrer dans le septième millénaire ».
Et, en effet, cette période qui a débuté en l'an 5500 depuis la création du monde, (il y a 268 ans) avec le début du sixième siècle de ce millénaire a vu un développement des sciences et des savoirs dans le monde d'une magnitude sans précédent. D'une part, « les portes de la sagesse en haut », ont commencé à se dévoiler, c'est-à-dire la sagesse supérieure, la partie profonde de la Torah appelée également 'Hassidout. (Le dévoilement du Baal Chem Tov eut lieu en 5494 (1734), quelques années avant 5500). D'autre part, les « les sources de la sagesse en bas » ont commencé à jaillir, il s'agit de la « révolution scientifique » suivie plus tard par la « révolution industrielle ».
Ce jaillissement de la sagesse – sous toutes ses formes – ne s'est pas fait sans heurts et sans opposition. Ceci est naturel, car le monde n'avait pas encore la maturité nécessaire pour intégrer ensemble tous ces dévoilements. Néanmoins, il s'agit bien là d'une avancée décisive du monde qui le prépare, tant matériellement que spirituellement, à la venue du Machia'h et l'avènement de l'ère messianique.
Il y a des signes
En contraste avec les avancées dans les domaines spirituel et scientifique qu'elle a connues, cette période fut aussi, dans ces mêmes domaines, une des plus pénibles de notre histoire. Elle a été décrite en détail par les Sages du Talmud qui ont donné à son sujet des signes précis d'après lesquels il est possible de l'identifier8. Ces signes décrivent la perte des valeurs morales, l'érosion des fondements de la société et de l'autorité, la diminution du nombre de ceux qui étudient la Torah, le renforcement de l'athéisme, un sentiment général de désespoir, l'irrésistible augmentation du coût de la vie et aussi les malheurs atroces que devait connaître le Peuple Juif (au point que certains des Sages du Talmud ont dit : « Que le Machia'h vienne, mais que je ne sois pas là pour le voir ! »).
En nous brossant ce sombre tableau de notre époque, l'intention des Sages était double : pour que nous ne nous abandonnions pas au désespoir, mais aussi pour que nous ayons conscience qu'il s'agit là des « douleurs de l'enfantement du Machia'h ». Et, effectivement, si nous considérons le cours des évènements dans le monde lors des dernières décennies, il n'y a pas le moindre doute que les signes caractéristiques de l'ère de « Ikvéta deMéchi'ha » se sont tous intégralement accomplis, d'une manière sans précédent dans l'histoire.
 Il est maintenant clair que nous nous tenons à la conclusion de cette période de « Talon du Machia'h ». Nous avons traversé toutes les étapes de cette période et, d'après les processus qui se déroulent actuellement aussi bien au sein du Peuple Juif que dans le monde entier, nous pouvons dire que nous sommes déjà rentrés dans la phase des derniers préparatifs à l'avènement de la Délivrance messianique.
 C'est pour cela que le Rabbi de Loubavitch a si souvent répété que le travail spirituel du Peuple Juif en exil était terminé et qu'il ne nous reste désormais qu'à « accueillir concrètement le Machia'h » afin qu'il puisse accomplir sa mission et délivrer le Peuple Juif de l'exil9.
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


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Le rabbi de Loubavitch:La Charité - Compilation

Histoire: l’arrestation et la libération de Rabbi Chnéour Zalman


En route vers Petersbourg

Toute la ville de Lyozna fut frappée de stupeur lorsqu’elle apprit que Rabbi Chnéour Zalman allait être arrêté et conduit à Petersbourg pour y être entendu. La stupeur fit place à l’effroi lorsque des soldats prirent position tout autour de la maison du Rabbi. Celui-ci fut conduit vers la capitale dans la voiture noire qui était réservée aux condamnés soupçonnés des fautes les plus graves et en particulier de révolte contre le Tsar.
Sous bonne garde, la voiture se dirigea vers Petersbourg. Elle parcourut le chemin d’une seule traite. C’était un vendredi et le coucher du soleil approchait. Le Rabbi demanda au chef des gardes l’autorisation de s’arrêter dans une auberge afin d’y passer le Chabbat. Mais l’officier se moqua de lui.
– Tu es un prisonnier. De quel droit te permets-tu de donner des ordres ? Nous devons poursuivre notre route jusqu’à Petersbourg, selon les instructions qui m’ont été données.
– Vous ne pouvez cependant pas m’obliger à transgresser le Chabbat !
Mais l’officier fit la sourde oreille et trancha qu’il n’interromprait le voyage que pour changer de chevaux, lorsque ceux-ci seraient fatigués.
Le Rabbi se tut. Quelques instants plus tard, l’un des essieux de la voiture se cassa et le voyage s’interrompit pour que les soldats le réparent. Le voyage reprit ensuite, mais, quelques instants plus tard, un autre essieu se cassa. Il fut également réparé et, un peu plus loin, un cheval fit une chute et mourut.
Voyant tout cela, l’officier prit conscience des forces surnaturelles du Rabbi et n’osa plus lui opposer un refus. Il ordonna au cocher de rechercher une auberge afin que Rabbi Chnéour Zalman puisse y passer le Chabbat

Une question sur la Bible

À la fin du Chabbat, le voyage vers Petersbourg reprit. Là, le Rabbi fut mis au secret dans une cellule réservée aux condamnés accusés des crimes les plus graves. Lorsqu’on le laissa seul, le Rabbi se mit à prier et à étudier la Torah.
Il était au milieu de sa prière lorsque la porte s’ouvrit. Un représentant du ministre personnellement chargé de l’affaire entra dans la cellule. Voyant le Rabbi prier, il sentit qu’il était en présence d’un homme saint. Ému, il resta debout un long moment et contempla le Rabbi en prière. Puis il s’adressa à lui avec un grand respect. Il lui fut d’emblée évident qu’un tel homme ne pouvait être un dangereux criminel briguant le trône du Tsar.
L’homme, qui connaissait la Bible et le Judaïsme, demanda au Rabbi :
– Il est certains versets de la Torah que je lis et relis sans les comprendre véritablement. Ainsi, lorsqu’Adam fit une faute et se cacha, D.ieu l’appela et lui demanda : « Où es-tu ? », il répondit « Me voici ».
Quel est le sens de cette question divine ? D.ieu ne savait-Il pas où se trouvait l’homme ?
Le Rabbi rappela le commentaire de Rachi sur ce verset, mais le représentant du ministre indiqua qu’il connaissait cette explication. Il désirait cependant connaître l’interprétation du Rabbi lui-même.
– Crois-tu que la Torah est éternelle, qu’elle transcende l’espace et le temps ?
– J’y crois.
– L’explication est la suivante. Lorsqu’un homme parvient à un tel âge (et le Rabbi cita l’âge exact de son interlocuteur), D.ieu s’adresse à lui et lui pose une question : « Où es-tu ? »
Quelle est ta situation morale ? Sais-tu pour quelle raison tu as été créé sur la terre ? Quelle est la mission qui t’a été confiée ? Et qu’en as-tu déjà réalisé ?

La visite du Tsar

Ce haut fonctionnaire fut très impressionné par la réponse que le Rabbi apporta à sa question. Il fut appelé par le Tsar pour rendre compte de son entrevue et lui fit part de ses contacts avec cet étrange prisonnier. Le Tsar en fut intrigué et décida d’aller voir lui-même Rabbi Chnéour Zalman. Il ne désirait cependant pas que sa visite soit rendue publique et décida de ne pas révéler qui il était. Il mit donc des vêtements ordinaires et entra dans la cellule.
Lorsque le Tsar entra, le Rabbi se leva et récita la bénédiction que l’on dit en présence des rois. Il lui accorda le plus grand honneur et le Tsar n’eut plus aucun doute, le Rabbi l’avait reconnu, bien qu’il ait tenté de dissimuler son identité. « Comment sais-tu qui je suis ? »
– La royauté terrestre est à l’image de la royauté céleste, répondit le Rabbi. Dès votre entrée, j’ai senti que j’étais en présence d’un roi. Je n’ai jamais eu une telle sensation devant les employés de la prison ou les juges.

L’heure exacte

Outre les éclaircissements qu’ils obtinrent dans les questions directement liées au jugement, les juges eurent l’occasion de constater la grande sagesse du Rabbi dans différents domaines. Ainsi, ils l’enfermèrent une fois dans une chambre aveugle. Seule la faible lueur d’une bougie l’éclairait. Les rayons du soleil et la lueur du jour n’y pénétraient en aucune façon. Ils désiraient ainsi vérifier si le Rabbi saurait distinguer le jour de la nuit. Un jour, à deux heures de l’après-midi, ils lui demandèrent : « Pourquoi ne vas-tu pas dormir ? Il est deux heures du matin ! »
– C’est faux, répondit le Rabbi, il est très précisément deux heures cinq de l’après-midi.
– Comment peux-tu le savoir avec tant de précision ?
– Parce que chaque heure du jour correspond à une combinaison différente du nom divin Havaya et chaque heure de la nuit à une combinaison du nom Ado-naï. Grâce à ces combinaisons, on peut déterminer précisément l’heure.

La Cacherout en prison

Rabbi Chnéour Zalman fut emprisonné dans la forteresse Pétropavlov. Mais personne ne savait où il se trouvait, ni même s’il était encore en vie. D.ieu donna cependant aux ‘hassidim de Petersbourg le moyen de découvrir l’endroit où le Rabbi était incarcéré.
Une fois, le représentant du ministre dit au Rabbi : « J’aimerais te rendre un service, même s’il n’a que peu d’importance. Que puis-je donc faire pour toi ? »
– Pourrais-tu faire savoir à ma famille que je suis encore en vie ?
– Comment y parviendrais-je ? Tes détracteurs ne sont-ils pas des Juifs ? Si je m’adresse à un Juif, comment saurai-je si c’est un ‘hassid ou un opposant à la ‘Hassidout ?
– Si tu rencontres un homme portant des habits dépareillés, sache qu’il s’agit de mon beau-frère, qui s’appelle Israël Kasik. Avant mon arrestation, je lui ai dit de partir tout de suite à Petersbourg. Je suis sûr qu’il m’a obéi.
Le représentant fut particulièrement impressionné par l’affirmation de Rabbi Chnéour Zalman. Il promit de transmettre le message et tint parole. Il parcourut les rues de la ville et rencontra un homme répondant à la description d’Israël Kasik. Il lui demanda : « Comment t’appelles-tu ? »
Rabbi Israël avait voyagé avec un passeport appartenant à quelqu’un d’autre. Il donna donc le nom figurant sur ce passeport et le haut fonctionnaire lui dît : « Menteur ! »
Puis il s’en alla.
Rabbi Israël Kasik fut très étonné de ce qui s’était passé. Il s’en ouvrit aux ‘hassidim et tous en conclurent que quelque chose se cachait derrière tout cela. Ils décidèrent que Rabbi Israël parcourrait les rues le lendemain. S’il rencontrait encore cet homme, il lui dirait son véritable nom. C’est ce qui se passa. Le fonctionnaire visita le Rabbi et lui indiqua qu’il avait rencontré un homme répondant à la description de son beau-frère, mais portant un autre nom. Rabbi Chnéour Zalman comprit qu’il avait emprunté un passeport et lui demanda de tenter de le rencontrer encore une fois.
L’homme accepta. Parcourant les rues de la ville, il rencontra Israël Kasik et lui demanda son nom. Le beau-frère du Rabbi déclina sa véritable identité et l’homme ne répondit pas. Il avança lentement et Rabbi Israël le suivit. Il se dirigea ainsi vers sa maison et y entra. Rabbi Israël resta à l’extérieur. Tout à coup, une pastèque tomba de la fenêtre. Rabbi Israël comprit qu’elle était pour lui. Il la ramassa et se rendit chez l’un des ‘hassidim. Là, ils l’ouvrirent et y trouvèrent un papier portant une inscription de la main du Rabbi :
« Écoute Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un. »
Ils surent alors que, D.ieu merci, le Rabbi était vivant et que l’espoir subsistait. Toutefois, ils ne savaient pas encore où était emprisonné le Rabbi. Ils ne le surent que quelques jours plus tard.
En effet, le Rabbi ne mangeait pas depuis plusieurs jours, ne disposant pas de nourriture cachère. Le responsable de la prison pensa qu’il craignait le jugement et jeûnait pour se laisser mourir. Il lui demanda à plusieurs reprises de se nourrir et, comme il ne l’écoutait pas, il lui envoya des soldats pour l’obliger à manger. Mais le Rabbi ferma fortement la bouche et ils furent dans l’impossibilité de s’acquitter de leur mission. Le représentant du ministre arriva alors et assista à la scène.
– Que se passe-t-il ici ? demanda-t-il. On ne peut contraindre un tel homme. Il faut essayer de le convaincre.
Il se tourna vers le Rabbi et lui demanda :
– Pourquoi ne mangez-vous pas ? Il est possible que vous soyez lavé de tout soupçon par le jugement. C’est même très probable. Si vous refusez de vous nourrir, vous serez responsable de votre propre mort et, d’après la Loi d’Israël, vous n’aurez pas part au monde futur.
– Il n’y a pas ici de nourriture cachère, répondit le Rabbi, et il n’est pas question que je mange taref, même s’il doit m’en coûter ma part du monde futur.
– Si je vous procure de la nourriture cachère, me ferez-vous confiance ?
– Pour l’heure, je n’ai pas besoin de nourriture, car mon estomac est affaibli par le jeûne. J’ai besoin d’un fortifiant. Si vous me procurez un médicament préparé par un Juif, je le prendrai.
– Me ferez-vous confiance si je vous l’apporte ?
– Si vous le recevez des mains d’un Juif et si personne d’autre que vous ne le touche jusqu’à ce qu’il me parvienne, je le mangerai.
À Petersbourg, la capitale, habitait l’un des grands ‘hassidim, le riche Rabbi Mordekhaï de Lyéplé, que tous les ministres respectaient pour son honnêteté et sa droiture. Le fonctionnaire lui demanda de lui préparer un médicament cachère, destiné à un Juif. Rabbi Mordekhaï eut le pressentiment qu’il s’agissait de Rabbi Chnéour Zalman. À qui d’autre ce médicament pouvait-il être destiné ? Il prépara donc le médicament et glissa, entre celui-ci et l’assiette, un papier sur lequel il inscrivit : « Pour qui est ce médicament ? Où se trouve son destinataire ? »
Il signa ensuite de son nom. Le représentant du ministre prit l’assiette, avec son contenu et l’apporta au Rabbi qui trouva le papier.
Il mangea ce qui était sur l’assiette, mais laissa un peu de son contenu. Il y glissa un papier sur lequel il avait inscrit : « Je suis celui qui mange et je me trouve à Pétropavlov. »
Puis il demanda au fonctionnaire de lui rapporter de ce médicament. L’homme restitua l’assiette à Rabbi Mordekhaï qui trouva le papier. Tous les ‘hassidim furent alors soulagés et Rabbi Mordekhaï prépara un autre médicament pour le Rabbi.

La bénédiction sur la lune

Pendant toute la durée de l’incarcération du Rabbi dans la forteresse de Pétropavlov, les chefs d’accusation furent mis en forme pour le procès. Celui-ci eut lieu non à Pétropavlov, mais au « Taynem Soviet ». C’est là que le Rabbi était régulièrement conduit pour y être entendu. Un fleuve, la Niba, séparait les deux endroits et un soldat était chargé de le lui faire traverser en barque.
Une fois, le Rabbi voulut saisir l’occasion pour réciter la bénédiction de la lune. Il demanda au soldat d’arrêter la barque, mais celui-ci refusa.
– Si je le désire, je peux faire stopper cette barque, précisa le Rabbi. Mais l’homme refusait encore.
Tout à coup, la barque s’immobilisa et le Rabbi récita le Psaume précédant la bénédiction. Puis, la barque reprit son mouvement et le Rabbi demanda encore qu’elle s’arrête, désirant accomplir la Mitsva en ayant recours aux voies naturelles.
– Que me donneras-tu en échange ? demanda le garde.
Le Rabbi lui remit le texte d’une bénédiction qu’il avait inscrit de sa main sur un papier. Alors, le soldat arrêta la barque et le Rabbi prononça la bénédiction.
Ce soldat devint ensuite riche et célèbre, vécut très longtemps. Il avait placé le papier que lui avait donné le Rabbi dans un épais médaillon de verre, cerclé d’or. Il lui était particulièrement précieux. Le ‘hassid Rabbi Dov Zeev de Yekatrinoslav vit ce papier chez le fils du soldat et put le lire.

Le 19 Kislev

Très rapidement, le Tsar s’aperçut que les accusations portées contre le Rabbi étaient sans fondement. Il demanda de le libérer et l’autorisa même à poursuivre son enseignement de la ‘Hassidout comme auparavant.
C’est le mardi 19 Kislev 5548 (1799), après 53 jours de détention, que le Rabbi fut informé de sa libération. Il était alors en train de lire les Tehilim et récitait précisément le verset (Psaumes 55,19) : « Il a libéré mon âme dans la paix ».
Depuis cette date, de très nombreux Juifs fêtent chaque année le 19 Kislev comme « la Fête de la Libération » et « le Roch Hachana de la ‘Hassidout ».

Adapté de « Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi et sa génération »
par ‘Haïm Mellul, éd. Beth Loubavitch
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.


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mercredi 10 décembre 2014

Libérations 'hassidiques
Le 19 Kislev
Adapté d'un discours du Rabbi de Loubavitch

Une accusation spirituelle

La tradition 'hassidique rapporte1qu’alors qu’il avait été emprisonné à la suite d’une dénonciation calomnieuse, le Baal Hatanya, fondateur du 'hassidisme Habad, 'hassidisme de l’intellect, eut la révélation de ses maîtres, le Maguid de Mézéritch et le Baal Chem Tov. Le Baal Hatanya leur demanda alors la raison d’une telle épreuve et ce qu’on exigeait de lui. Ils lui répondirent qu’une accusation spirituelle était portée dans les cieux contre lui du fait qu’il enseignait les profondeurs de l’ésotérisme 'hassidique de manière excessive et publique2. Il leur demanda alors s’il devrait, à sa sortie de prison, arrêter son enseignement. Ils lui répondirent : « Puisque tu as commencé, ne t’arrête pas. Et, au contraire, lorsque tu sortiras de prison, tu l’enseigneras de façon encore plus intensive. »
En d’autres termes, l’emprisonnement du Baal Hatanya qui eut lieu dans ce monde physique est la conséquence3 de l’accusation spirituelle causée par l’enseignement public qu’il faisait de l’ésotérisme 'hassidique. C’est la raison pour laquelle il se posa la question de savoir s’il devait interrompre cette attitude. A cette interrogation, ses maîtres lui répondirent : « lorsque tu sortiras de prison, tu l’enseigneras de façon encore plus intensive ».
« C'est précisément dans ces dernières générations qu’il est permis et exigé de dévoiler cette sagesse »A priori, cette histoire demande à être expliquée. En effet, tradition 'hassidique rapporte aussi qu’une telle accusation était déjà apparue lorsque que le Maguid de Mézéritch était à la tête du mouvement 'hassidique. On connaît d’ailleurs4 les conditions dans lesquelles cette accusation spirituelle vit le jour alors qu’un manuscrit contenant des concepts 'hassidiques d’une grande profondeur fut trouvé dans un lieu qui ne convenait pas à sa sainteté. On accusa donc dans le ciel le Maguid de Mézéritch de, selon les termes du verset5, « jeter les pierres sacrées en pleine rue ». Mais la même tradition 'hassidique rapporte aussi comment le Baal Hatanya annula cette accusation en comparant la situation spirituelle du peuple juif de l’époque à celle du fils d’un roi qui serait tombé gravement malade au point de risquer sa vie. Le seul remède consistait à prendre le plus beau joyau de sa couronne, de le faire piler, de le diluer dans de l’eau et de tenter de lui en faire avaler quelques gouttes. Le roi était prêt à un tel sacrifice, même si les chances de réussir à faire pénétrer ces quelques gouttes dans la bouche du prince étaient infimes du fait de sa faiblesse extrême. Et même si le liquide si précieux devait pour cela se répandre en partie à terre. Ainsi en était-il, pour le Baal Hatanya, du peuple juif. Le seul espoir de remède spirituel résidait dans l’enseignement des secrets de la Torah les plus profonds. De ce fait, l’accusation spirituelle causée par la diffusion des secrets de la Torah avait déjà été levée à cette époque par le Baal Hatanya en invoquant son caractère indispensable pour sauver le peuple juif d’un danger de mort spirituelle. Et si la génération du Maguid de Mézéritch pouvait être considérée comme étant en danger, A fortiori celle du Baal Hatanya, du fait du principe de « chute des générations »,6 selon lequel chaque génération est moins élevée spirituellement que celle qui la précède.
Quel est donc l’élément qui intervint lors de la direction spirituelle du Baal Hatanya et qui suscita à nouveau cette accusation spirituelle au point qu’il remit en cause son enseignement, et ce, alors que c’est lui-même qui avait annulé cette accusation du temps de son maître le Maguid ?

Le principe fondamental du Arizal

Pour répondre à cette question, il faut d’abord revenir au principe énoncé par le Arizal7, maître fondamental de l’ésotérisme juif, selon lequel « c’est précisément dans ces dernières générations8 qu’il est permis et exigé de dévoiler cette sagesse ». En d’autres termes, le Arizal, qui, au seizième siècle, a jeté les fondements de l’ésotérisme juif dans la forme que nous connaissons, considérait déjà que son enseignement devait en être fait à tous. Or, on sait que dans les premières générations, cet enseignement « a été caché9 à tous les sages, à l’exception d’une élite, et même pour eux (elle fut enseignée) en secret et non publiquement, comme l’enseigne le Talmud10 ». Puisque, selon les sages du Talmud, il y a nombre de conditions et de restrictions quant à la manière de dévoiler cette sagesse11 et que la loi juive a été tranchée par Maïmonide selon cet avis12, comment expliquer qu’il a été permis, pour les dernières générations, de « dévoiler cette sagesse » ?
Chacun sera dans une situation où il pourra méditer profondément et convenablement à ces sujetsEn fait, il faut d’abord remarquer que les conditions et les contraintes que nos sages ont posées comme préalable à l’étude de l’ésotérisme juif ne sont pas intrinsèques à la nature de cette sagesse. Ces interdictions sont liées à la nature de celui qui les aborde et qui doit y être préparé. De ce fait, la majorité des hommes ne pouvant pas comprendre et réellement assimiler ces concepts, leur étude peut provoquer une chute, à l’image du principe de nos Sages selon lequel13 « si l’on ne mérite pas, la Torah devient pour lui un poison mortel ». Cependant, cette sagesse elle-même fait partie intégrante de la Torah et, par là, constitue, selon les termes du verset14 « l’héritage de la communauté de Jacob ». Chacun a donc le devoir de l’étudier15, du fait de l’obligation d’étudier toute la Torah. Cette idée est d’ailleurs confirmée par le passage suivant traitant des temps messianiques et par lequel Maïmonide conclut son œuvre maîtresse, Michné Torah16 :
« Et, à cette époque,...la seule préoccupation du monde entier ne consistera qu’à connaître D.ieu et c’est pourquoi les enfants d’Israël seront de grands sages, connaîtront les choses cachées, et percevront la sagesse de leur créateur de manière adaptée à la force de l’homme comme il est dit17 “et la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux recouvrent les océans”... »
Il est clair ici qu’avec les temps messianiques, l’essentiel de l’étude de la Torah ne portera pas sur la partie législative de la Torah que nous connaissons, mais sur la connaissance du Créateur, ce que Maïmonide désigne par l’expression « les choses cachées », et ceci constituera « la seule préoccupation du monde entier ». On comprend donc bien que les contraintes évoquées plus haut ne s’appliqueront pas. Or, Maïmonide lui-même établit que la loi juive prévoit les conditions citées plus haut pour aborder l’étude des secrets de la Torah et la loi juive ne changera pas avec les temps messianiques.
Il faut donc en déduire que cette interdiction est liée au fait que notre génération, dans sa grande majorité, ne peut pas encore l’aborder. Par contre, avec les temps messianiques, lorsqu’il n’y aura plus, selon les termes de Maïmonide18, « ni famine, ni guerre, ni jalousie, ni rivalité » et que chacun sera dans une situation où il pourra méditer profondément et convenablement à ces sujets, alors19, « la seule préoccupation du monde entier ne consistera qu’à connaître D.ieu ».

Deux manières d’enseigner l’ésotérisme juif

Nous pouvons à présent expliquer comment le Arizal peut affirmer qu’il est à présent « permis et exigé de dévoiler cette sagesse ». Cette réponse peut s’appuyer sur deux argumentaires distincts20.
Les profondeurs ésotériques du 'Hassidisme réveillent les forces profondes et cachées de l’âme juive et l’aident à surmonter les épreuves intérieures et extérieures dues à l’exilUne première explication peut être donnée en se fondant sur un principe énoncé par Maïmonide dans son introduction au « Guide des Egarés »21. En effet, il y explique qu’il a décidé d’écrire ce livre, qui contient selon lui « des secrets (de la Torah) », en vertu du principe de nos sages22 selon lequel « comme c’est le moment d’agir pour D.ieu, on a annulé Ta Torah »23. Ce principe, tiré d’un verset des Psaumes, est celui sur lequel Rabbi Yéhouda Hannassi s’est appuyé pour compiler par écrit la Tradition Orale malgré l’interdiction qui en était faite jusque-là par la loi juive. En d’autres termes, le fait que le peuple juif était à son époque dans la situation d’« égarés » quant à leur foi ancestrale l’a obligé, malgré les contraintes prévues A priori par la loi juive à ce propos, à dévoiler des secrets de la Torah pour le sauver. De la même manière, la chute spirituelle qu’ont connue les dernières générations ainsi que celle du monde dans son ensemble ont rendu nécessaire et impérieux le dévoilement des profondeurs ésotériques qui, parce qu’elles réveillent les forces profondes et cachées de l’âme juive, l’aident à surmonter les épreuves intérieures et extérieures dues à l’exil, à réveiller l’amour et la crainte de D.ieu, et à Le servir d’un cœur entier24.
Une deuxième explication trouve son fondement dans la notion de préparation aux temps messianiques. En effet, Maïmonide lui-même mentionne le fait que la venue du prophète Élie25, qui précédera celle du Machia'h (le Messie) aura pour but de « relever le niveau moral d’Israël et de préparer leur cœur » à l’avènement des temps messianiques. Ce principe s’applique donc A fortiori à ce qui constitue l’aspect essentiel de cet avènement. Or, selon les termes de Maïmonide, « les sages et les prophètes n’ont souhaité les temps messianiques que pour pouvoir se consacrer entièrement à la Torah et à sa Sagesse »26, sagesse qui est donc une référence à la « connaissance de D.ieu » et aux « choses cachées » mentionnées dans sa conclusion du Michné Torah. Une préparation à un tel changement est donc nécessaire27 et il n’est possible qu’en dévoilant les secrets de l’ésotérisme juif.
Et à ces deux manières de justifier la révélation de l’ésotérisme juif exigée par le Arizal correspondent deux formes d’enseignement, à l’image de la distinction qui peut être faite entre la Michna (première compilation écrite de la Loi Orale) et la Guémara (compilation écrite des explications orales nécessaires à la compréhension de la Michna).
Si la raison de ce dévoilement provient du danger spirituel que courent nos générations du fait de l’exil, un enseignement succinct, transmis sous la forme d’idées brèves, suffit. En effet, l’ésotérisme juif a cette particularité de sécréter une force qui n’est pas quantifiable parce qu’elle relève du divin, ce que le Midrach désigne par « la source de lumière qui est en elle »28  et qui peut donc revivifier l’âme juive. On a donc un enseignement qui est similaire à celui de la Michna par son caractère elliptique29 et qui, parce qu’il suffit à lever le danger spirituel, ne doit pas être explicité plus avant.
Par contre, si ce dévoilement s’inscrit dans la perspective d’une préparation spirituelle à l’avènement des temps messianiques, le niveau de compréhension de cette sagesse qui régnera alors étant complètement intériorisé et assimilé, « adapté à la force de l’homme »30, la préparation à cette ère doit suivre le même chemin. Cet enseignement doit donc être, à l’image de la Guémara, une analyse explicative des idées fondamentales de l’ésotérisme qui sont encore elliptiques et mal comprises.

L’explication d’une accusation spirituelle

Nous pouvons à présent expliquer le sens profond de l’accusation mentionnée au Baal Hatanya par le Baal Chem Tov et le Maguid de Mézéritch comme la cause spirituelle de son emprisonnement.
L’élément nouveau apporté par le Baal Hatanya par rapport au Baal Chem Tov et au Maguid de Mézéritch dans son enseignement de l’ésotérisme 'hassidique peut être constaté aisément. En effet, l’enseignement des deux premiers maîtres du 'hassidisme se présente sous la forme d’idées concises et elliptiques, à l’image de la Michna. Par contre, l’enseignement du 'hassidisme Habad introduit par le Baal Hatanya, à commencer par le Tanya, se présente comme une longue analyse systématique et construite de ces idées. Le terme Habad, qui symbolise les trois forces de l’intellect, rend d’ailleurs bien cette perspective.
Et c’est cette différence qui provoqua une nouvelle accusation spirituelle, qui n’avait pas été levée par le Baal Hatanya au moyen de l’allégorie du fils du roi en danger. En effet, dans cette allégorie, seule une goutte du remède fabriqué à partir du joyau de la couronne du roi suffisait à sauver l’enfant. Cette vision des choses rejoint donc la première explication évoquée plus haut selon laquelle le dévoilement de l’ésotérisme est justifié par le danger spirituel, mais peut et doit se transmettre sous une forme concentrée. Une preuve peut même en être apportée du fait que l’enseignement du Baal Chem Tov et du Maguid de Mézéritch, sous cette forme, a effectivement revivifié le peuple juif et posé la base de générations attachées à la spiritualité.
Lorsque le Baal Hatanya commença donc à aller plus loin que ses maîtres et à enseigner l’ésotérisme 'hassidique non plus sous une forme elliptique (« une goutte ») mais sous la forme d’une analyse approfondie, cela ne pouvait plus être justifié par le seul danger spirituel du peuple juif et éveilla une accusation céleste. Et c’est aussi la raison pour laquelle le Baal Hatanya lui-même envisagea la possibilité d’interrompre un tel enseignement, c’est-à-dire un enseignement sous cette forme.
À cette question, le Baal Chem Tov et le Maguid de Mézéritch répondirent que son emprisonnement eut pour effet dans le ciel d’annuler l’accusation31 et qu’au contraire, lorsqu’il sortirait de prison, il « enseignerait encore plus », et ceci, dans le but cette fois de préparer le peuple juif à la révélation messianique des secrets de la Torah, ce que Rachi appelle dans son commentaire du Cantique des Cantiques « Sod taameiha oumistar tsefounoteiha - les secrets de ses raisons et l’aspect caché de ses trésors ».

Un enseignement concret

Cette analyse nous permet de tirer aussi un enseignement pour notre génération.
En effet, la réponse du Baal Chem Tov et du Maguid de Mézéritch au Baal Hatanya dépasse en fait le seul cadre de son emprisonnement et doit être comprise comme s’adressant aussi à tout le peuple juif. C’était une manière d’indiquer que chacun doit à présent se préparer aux temps messianiques en étudiant l’ésotérisme juif selon la perspective de l’analyse méthodique du 'hassidisme Habad.
En fait, une telle approche donne à cette étude une perspective toute différente, car elle concerne alors aussi celui qui considère que sa vie spirituelle n’est pas dans la situation de danger qui pourrait justifier cette étude. Un tel individu peut trouver suffisante l’étude de la partie de législative de la Torah, des livres d’éthique juive (en hébreu « Moussar »), voire de la pensée 'hassidique telle qu’elle a été dévoilée par le Baal Chem Tov et ses élèves32. Mais alors, comment pourrait-il se considérer exempté de l’étude d’une partie de la Torah, alors que la loi juive stipule33 que chacun doit étudier toute la Torah, « qu’il s’agisse du sens simple de la loi, des allusions, des allégories ou et des secrets ». A fortiori en est-il ainsi si l’on considère le devoir que chacun a d’après nos Sages34 de « mettre en évidence une idée cachée dans la Torah », principe qui concerne « le domaine de la loi juive, celui des récits rapportés à propos de nos Sages, la partie révélée comme dans la partie cachée ».35
Et grâce au fait que les sources du Baal Chem Tov se répandront à l’extérieur, nous mériterons, selon la promesse faite par le Machia'h au Baal Chem Tov36, l’avènement des temps messianiques et alors se réalisera la promesse selon laquelle « la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux recouvrent le fond des océans ».
(Extrait de Likoutei Si'hot vol. 30)
NOTES
1.Beth Rabbi, vol. 1, chap. 16 (en note).
2.Il faut dans cette perspective expliquer le passage du Séfer HaMaamarim 5709 (p. 91) selon lequel la raison de cette accusation était le fait que le Baal Hatanya n’enseignait pas l’ésotérisme 'hassidique d’une manière adaptée à tout un chacun.
3.Ce principe est d’ailleurs longuement expliqué dans plusieurs discours et lettres des maîtres 'hassidiques Habad.
4.Cf. le périodique Hatamim, vol. 2, p. 49, Correspondances du Rabbi précédent, vol. 3, p. 326 et suivantes.
5.Lamentations 4, 1.
6.Cf. Traité Chabbat 112b.
7.Cf. introduction de Rabbi ‘Haïm Vital au "Portique des introductions" (publiée aussi comme annexe au fascicule Kountress Ets ‘Haïm du Rabbi Rachab.
8.C’est l’expression employée par le Baal Hatanya (Tanya, Iguéret Hakodech, chap. 26).
9.Voir Tanya, Kountrass A’harone, commentaire commençant par l’expression "Pour comprendre ce qui est écrit dans le Péri Ets ‘Haïm" (152:2) selon lequel "c’est un commandement élevé et très haut".
10.Cf. Traité Haggiga page 11b et suivantes et page 13a.
11.Cf. Traité Haggiga 13a et le commentaire de Rachi sur le passage.
12.Cf. Lois sur les fondements de la Torah, fin du chapitre 2, chapitre 4, paragraphe 11 et suivantes.
13.Cf. Traité Yoma 72b.
14.Deutéronome, Section "Bérakha", 33:4. Voir aussi Michné Torah, Lois sur l’étude de la Torah, chap. 3.
15.C’est ainsi que le Baal Hatanya tranche la loi dans son Code de la Loi Juive (Lois sur l’étude de la Torah 1:4). Voir aussi la fin du commentaire.
16.Lois sur les Rois, fin du chap. 12.
17.Isaïe 11, 9.
18.Voir à propos de la spécificité de l’étude de la Torah aux temps messianiques la fin du chapitre 26 du Iguéret Hakodech du Tanya.
19.Lois sur les Rois, Ibid.
20.À propos des idées développées dans ce paragraphe, voir Likoutei Si’hot vol. 15 page 282, vol. 20 page 172.
21.Dans la conclusion de l’introduction intitulée par Maïmonide "Le testament de ce discours". Voir aussi Likoutei Si’hot vol. 26 pages 32 et suivantes.
22.Cf. Traité Guittine 60a.
23.Psaumes 119, 126.
24.Voir, pour un développement approfondi de cette idée le Kountress Ets ‘Haïm du Rabbi Rachab au chapitre 13 et dans sa lettre qui est éditée dans le même ouvrage (pages 82 et suivantes).
25.Lois sur les Rois, 12:2 (pour ce qui concerne le prophète Élie). Voir aussi le paragraphe 4 du chapitre 11 dans sa version non censurée où Maïmonide explique que certains événements négatifs sont intervenus pour "préparer la voie du Machia'h". A fortiori, les notions positives de la Torah doivent être considérés comme une préparation aux temps messianiques.
26.Lois sur les Rois, 12:4 et Lois sur le repentir, 9:2 dans une formulation similaire.
27.Il faut aussi mentionner qu’une telle préparation est, d’après Maïmonide, non seulement permise, mais indispensable. En effet, un changement aussi radical que l’avènement des temps messianiques constituerait, sans une préparation préalable, un "bouleversement du fonctionnement du monde". Or, d’après Maïmonide, les temps messianiques ne feront pas intervenir de bouleversements du monde (cf. Lois sur les Rois au début du chapitre 12 ainsi que Lois sur les Rois fin du chapitre 9.
28.C’est l’expression employée dans l’introduction au Midrach sur les Lamentations. Voir aussi Talmud de Jérusalem, traité ‘Haguiga, 1:7
29.Voir à ce propos l’introduction de Maïmonide à son commentaire sur la Michna.
30.Ce sont les termes employés par Maïmonide au chapitre 12 des Lois sur les Rois. Voir aussiLikoutei Si’hot vol. 27 page 241.
31.Voir à ce propos les correspondances du Rabbi Précédent, vol. 1, page 147 (éditée aussi comme annexe au fascicule intitulé Hé'haltsou publié en 5659).
32.Cependant, à la lumière du commentaire cité à la note 24, le principe de descente des générations appliqué à la nôtre par rapport à celle du Baal Hatanya implique que l’étude des profondeurs de la Torah avec une démarche rationnelle est bien devenue impérative et inévitable même pour celui qui ne se place pas dans la perspective d’une préparation aux temps messianiques.
33.Cf. Code de la loi juive du Baal Hatanya, Lois sur l’étude de la Torah 1:4.
34.Tanya, Iguéret Hakodech, 26.
35.D’après ce principe, il est clairement indispensable d’étudier l’ésotérisme de la Torah selon l’approche du Baal Hatanya pour construire le raisonnement créatif qui met en évidence une idée cachée.
36.Cf. la lettre bien connue du Baal Chem Tov (publiée au début du Kéter Chem Tov) dans laquelle il décrit l’"ascension de l’âme" au cours de laquelle le Machia'h lui dévoila cette mission.

ADAPTÉ D'UN DISCOURS DU RABBI DE LOUBAVITCH
Extrait du magazine Sources 'Hassidiques - Traduit et adapté par Gary Chalom Cohen.

Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


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