Machia'h arrive, le saviez-vous?
En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil

jeudi 26 février 2015



La Délivrance messianique: processus graduel ou révélation subite?
par Menahem Brod

Lorsque l’on se penche sur le thème de la Délivrance messianique tel qu’il est exposé dans les différentes sources de la tradition juive, on peut être de prime abord décontenancé par l’abondance de contradictions entre les différentes descriptions qui en sont faites.
Certains textes, par exemple, disent que la Délivrance sera le fait d’une révélation aussi soudaine que puissante, qui modifiera instantanément toute notre réalité.1D’autres sources, en revanche, décrivent l’avènement messianique comme un processus lent et prolongé, suscitant des doutes et des questionnements.2 Il est dit en un endroit que le Temple descendra du ciel sur Jérusalem, et ailleurs il est annoncé que c’est le Machia’h – un être humain – qui le construira, etc.
Toutefois, toutes ces apparentes contradictions se résolvent3 à la lumière d’un principe explicité dans le Talmud. Il est en effet écrit dans Isaïe (60, 22) :
« ...Moi l'Éternel, en son temps, Je la hâterai (la Délivrance). »
Ce que le Talmud4 explique ainsi :
Si le peuple juif est méritant, alors « Je la hâterai » ; s’il n’est pas méritant, elle se fera « en son temps »... S’il le peuple juif est méritant, le Machia’h viendra « au sein des nuages du ciel »5 ; s’il n’est pas méritant, il viendra « humble et monté sur un âne ».6
Ce qui signifie que la Délivrance peut se faire de deux manières radicalement différentes :
a. Dans le cas où nous sommes « méritants », non seulement intervient-elle avant son échéance ultime, mais son déroulement lui-même s’effectue comme une révélation surnaturelle subite, le Temple descend du ciel, etc.
b. Dans le scénario où nous n’aurions pas eu ce mérite, la Délivrance se fera « en son temps », au moment fixé par D.ieu, son déroulement sera habillé dans les voies de la nature et la construction du Temple (ou tout du moins le début de sa construction) sera une œuvre humaine.7

La délivrance « aujourd’hui »

La distinction entre ces deux scénarios est la clé qui permet de comprendre l’ensemble du sujet de la Délivrance messianique. Car, au-delà du fait que cela nous permet de comprendre une multitude de versets des Prophètes et de paroles de nos Sages qui semblent se contredire les uns les autres, c’est ce qui nous permet aussi de ne pas dévier de la foi juive en la matière.
En effet, un Juif qui étudie les sources talmudiques présentant la Délivrance comme un processus naturel, ainsi que les lois de Maïmonide qui décrivent la venue de Machia’h comme une succession d’étapes (« il amènera le peuple à servir D.ieu », « il livrera les guerres de D.ieu », « il vaincra », « il construira le Temple » puis « rassemblera les exilés »), pourrait avoir du mal à croire que la Délivrance puisse être immédiate, aujourd’hui, en cet instant même. L’idée d’une Rédemption messianique instantanée pourrait lui apparaître comme relevant du conte de fées.
D’un autre côté, celui qui se focaliserait exclusivement sur les sources annonçant une Délivrance soudaine et surnaturelle, avec un Temple qui descend du ciel, pourrait refuser de reconnaître le Machia’h si son avènement n’était pas d’emblée accompagné d’une grande révélation divine.
La foi en la venue du Machia’h attendue d’un Juif est précisément celle qui associe ces deux optiques : croire d’une part que la Délivrance puisse intervenir à chaque instant, bien que le Prophète Élie ne se soit pas encore manifesté,8que les différentes étapes préliminaires n’aient pas encore été accomplies et que les signes annonciateurs de l’imminence de la Délivrance n’aient pas encore été constatés, car elle peut arriver « sur les nuages du ciel » (ce que Rachi explique comme signifiant « rapidement »)., dans une grande révélation divine, correspondant aux mots « Je la hâterai ». Et, tout à la fois, il faut savoir que la Délivrance peut faire l’objet d’un processus long et complexe – « en son temps » – dans lequel certains signes devront d’abord apparaître, d’une manière exprimée par le verset : « humble et monté sur un âne » (Rachi : « tel un pauvre qui avance avec lenteur sur son âne »).

Naturel et surnaturel

La ‘Hassidout9 explique toutefois que chacun de ces deux scénarios possède une qualité propre. Si celle de la Délivrance soudaine et miraculeuse ne nécessite pas d’explication, il faut en revanche comprendre celle d’une Délivrance messianique dont le déroulement suit le cours des voies naturelles.  C’est en effet uniquement de cette manière que le monde parvient au plus grand raffinement et à la plus grande pureté spirituelle. La raison en est que, lorsque la tâche du peuple juif en exil est menée à son terme, le monde, dans ses paramètres existants, devient lui-même apte à recevoir la Délivrance.
Le Rabbi de Loubavitch explique qu’il est possible qu’il y ait l’association de la Délivrance « en son temps » et de celle au sujet de laquelle D.ieu dit « Je la hâterai ». C’est-à-dire que, lors de la période même de la Délivrance « en son temps », au cours de ce processus graduel, D.ieu peut « la hâter » et déclencher des événements surnaturels. Dès lors, le fait que l’on constate de nos jours de nombreux signes annonciateurs de la Délivrance – nous indiquant que nous sommes bien à la fin des temps, dans la période où la Délivrance finira par s’accomplir, sans que nous sachions quand exactement – ne signifie pas que celle-ci se fera nécessairement au terme d’un processus naturel qui se prolongera encore longtemps. Au sein même de ce processus peut apparaître une grande révélation divine, qui donnera lieu à la Délivrance aujourd’hui même.10

NOTES
1.Par exemple le verset (Malakhi 3,1) : “Soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Maître dont vous souhaitez la venue”, commenté ainsi par le Metsoudat David : “Il s’agit du roi Machia’h que tous attendent et dont tous espèrent la venue.”
2.Comme l’enseignement des sages selon lequel la Délivrance se fera petit à petit, comme l’aubre (Talmud de Jérusalem Berakhot 1:1 ; Yoma 3:2 et dans d’autres endroits.
3.Voir le commentaire du Or Ha’haïm sur Bamidbar 24,17 : “Si la Délivrance se fera par le mérite d’Israël, se sera alors quelque chose d’extraordinaire, le Rédempteur d’Israël se révélera du ciel par un prodige, comme il est écrit dans le Zohar. En revanche, si elle est le fait de l’échéance, dans le cas où Israël ne l’aura pas mérité, elle sera différente, et à ce sujet il est dit ‘pauvre et monté sur un âne’.”
4.Sanhédrine 98a.
5.Daniel 7,13 : “Je regardai encore dans la vision nocturne, et voilà qu'au sein des nuages du cielsurvint quelqu'un qui ressemblait à un fils de l'homme; il arriva jusqu'à l'ancien des jours, et on le mit en sa présence.”
6.Zacharie 9,9 : “Réjouis-toi fort, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur le petit de l'ânesse.”
7.Likoutei Si’hot vol. 18 p. 418 ; vol. 27 p. 204.
8.Likoutei Si’hot vol. 8 p. 323, note 43.
9.Chaarei Orah de l’Admour HaEmtsaï p. 86-87.
10.Voir notamment dans le Sefer HaSi’hot 5750, vol. 2 p. 651, où le Rabbi explique que le fait que la Délivrance doive se faire selon un ordre préétabli, de même que l’enseignement des Sages selon lequel elle se fera “petit à petit”, n’empêche nullement qu’elle se produise en un temps beaucoup plus court : “Même lorsque le début et l’aboutissement de la Délivrance sont très proches dans le temps, celle-ci peut s’opérer ‘petit à petit’, c’est-à-dire étape par étape, au sein même de la Délivrance.”

Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


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Le Rabbi de Loubavitch - Machia'h



La meilleure marchandise

La valeur de la Torah


Un navire, chargé de passagers, se balançait doucement sur une mer calme. À bord se trouvait un groupe de négociants emportant leurs marchandises vers des destinations proches ou lointaines. Ils parlaient d'une voix forte, vantant chacun ce qu'il transportait.
Non loin de là, un homme était debout qui ne prenait pas part à la conversation. « Et toi, quelle sorte de marchandise as-tu ? », lui demandèrent les autres.
– Ma marchandise est la plus précieuse qui soit sur terre, répondit l'homme avec un sourire.
– Montre-la-nous donc, lui dirent-ils.
– Vous n'en comprendriez pas la valeur, car vous n'en avez jamais eu de cette espèce entre les mains. Mais, croyez-moi, elle est hors de ce monde ! Les marchands eurent beau chercher, pour autant qu'ils pussent voir, l'homme ne transportait rien avec lui. Aussi les négociants rirent-ils de bon cœur et le raillèrent.
Mais soudain un cri terrible se fit entendre : « Les pirates ! » Et, en moins de temps qu'il ne fallut pour s'en rendre compte, les bandits de la mer sautèrent dans le navire, se mirent à transporter rapidement sur le leur toutes les marchandises qu'ils trouvèrent, puis s'éloignèrent sans perdre de temps.
Les passagers étaient trop heureux d'avoir été eux-mêmes épargnés. Non seulement ils eurent la vie sauve, mais ils ne furent même pas emmenés pour être vendus comme esclaves.
Quelques jours plus tard, le bateau arriva au port et tous les passagers descendirent à terre. L'homme qui affirmait posséder la marchandise la plus précieuse se rendit à la Yéchiva et prit part aux discussions talmudiques qui s'y tenaient. On se rendit compte aussitôt qu'on avait affaire à un grand érudit. On le nomma rabbin, chacun le traita avec respect et fit de son mieux pour lui rendre la vie agréable. Quant aux marchands, ayant été dépouillés de tout ce qu'ils possédaient, ils n'avaient d'autre ressource que d'aller mendier dans les rues pour ne pas mourir de faim.
Un beau jour, ils frappèrent à la porte du rabbin pour demander une aumône. Aussitôt qu'ils le virent, ils le reconnurent. « Rabbi, vous nous reconnaissez sûrement. Vous étiez avec nous à bord de ce bateau que les pirates ont pillé. Nous étions de riches négociants, mais maintenant nous avons tout perdu. Nous vous en supplions, ayez la bonté d'intervenir en notre faveur auprès des notables de la ville afin qu'ils nous viennent en aide. » Le rabbin promit de faire tout ce qu'il pourrait pour les secourir. Et avant de les quitter, il leur dit : « Vous comprenez maintenant ce que je voulais dire quand je vous affirmais que ma marchandise était la plus précieuse du monde... »
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


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mercredi 25 février 2015

Le Rabbi de Loubavitch: S'occuper de la Rabbanite


Le Golem

L’homme d’argile

par Nissan Mindel




Peu de personnes ignorent le Golem, cette créature étrange à laquelle donna le jour le célèbre Rabbi Judah-Leïb Loëwe, le Maharal de Prague, qui vécut il y a plus de 350 ans. De merveilleux récits au sujet de cet être étonnant nous ont été transmis de génération en génération. L'ancienne synagogue du Maharal, dans le vieux quartier juif de Prague, n'a pas cessé d'attirer nombre de visiteurs et de touristes, juifs aussi bien que non-juifs. Non seulement parce qu'elle est l'une des plus anciennes de la ville, celle que fréquenta le Maharal, et où le siège qu'il occupait à côté de l'Arche Sainte est respectueusement gardé vacant, mais aussi parce qu'on affirme que les restes d'argile du Golem sont conservés au grenier de ce lieu de prière. Nul n'est autorisé à y monter. Et quand les visiteurs en demandent la raison, il leur est répondu qu'un souci de sécurité l'impose, car le toit, peu solide, pourrait s'effondrer. En fait, ce grenier fut interdit depuis de longues années, étant considéré comme un lieu sacré.

Les fausses accusations

Enfants, nous n'étions pas en âge de comprendre grand-chose aux livres saints que le grand Maharal a écrits, et qui sont une source inépuisable d'inspiration. En revanche, nous étions fascinés par les récits sur le Golem, que le vieux Zékhariah, le Chammache de notre Beth Hamidrache, avait l'habitude de nous faire de temps en temps, et surtout pendant la fête de Pessa'h. Car le Maharal est né la première nuit du Sédère, et bon nombre des histoires sur le Golem se rapportaient à Pessa'h et aux terribles « Libellés du Sang » d'alors. Il était rare qu'une fête de Pessa'h passât sans une attaque, ou la menace d’une attaque, de la part d'une populace déchaînée et débordant de ressentiment contre les Juifs sans défense.
C'est dans le but de protéger la communauté juive de Prague contre les fausses accusations et les attaques que le Maharal fit le Golem, un personnage d'argile, et lui insuffla la vie par l'invocation du Nom de D.ieu que seuls de saints Kabbalistes d'une valeur exceptionnelle connaissent.
On affirme que la naissance même du Maharal mit en échec une telle accusation, comme l'atteste le récit suivant :

Un provocateur

Rabbi Betsalel, père du Maharal et chef de la communauté juive de Worms, était assis à la table du Sédère en compagnie de quelques invités de marque et d'un certain nombre d'indigents sans foyer. Quand, conformément à la coutume, le moment vint d'ouvrir la porte au prophète Élie, la femme de Rabbi Betsalel, enceinte de neuf mois, fut prise des douleurs de l'enfantement. Quelques invités se hâtèrent d'aller chercher une sage-femme. À ce moment précis, un individu d'allure louche profitait de l'obscurité pour s'approcher à pas feutrés de la maison de Rabbi Betsalel. Il portait sur l'épaule un sac contenant le cadavre d'un enfant chrétien. Son intention était de déposer son sinistre ballot dans la cave du rabbin, afin que ce dernier fût accusé, avec preuves à l'appui, de « meurtre rituel ». Mais voyant la porte de la maison s'ouvrir avec fracas, et plusieurs hommes se précipiter au dehors, le traître prit peur et s'enfuit. Il tomba sur une patrouille de police. Un homme qui court en pleine nuit ne peut qu'éveiller les soupçons. On l'arrêta et le cadavre de l'enfant fut découvert. Pris de panique, le gredin reconnut sans peine que des comploteurs l'avaient chargé, moyennant rémunération, de déposer le sac avec son macabre contenu dans la cave de Rabbi Betsalel. Ainsi, avant même que de naître, le Maharal sauvait la communauté juive d'un terrible « Libellé du Sang ».
Quand il devint Der Hohe Rabbi Loëwe, le Grand-Rabbin de Prague, le péril était grand pour les Juifs. Un moine nommé Tadeusz, antisémite notoire, suscitait et entretenait l'agitation contre les Juifs, se livrant à toutes sortes de machinations destinées à leur nuire. Cela ne laissait pas d'inquiéter beaucoup le Maharal ; il priait constamment D.ieu de leur venir en aide. Puis, il eut un songe dans lequel lui fut indiquée la conduite à tenir en ces circonstances.
Le lendemain matin, il fit appeler son gendre et son disciple le plus proche, et leur fit part du secret que le Ciel lui avait révélé. « Nous trois, nous constituerons un Beth Din (Cour de Justice) régulier, et nous ferons un Golem d'argile qui nous aidera à nous défendre contre nos ennemis », conclut-il.

Naissance du Golem

Les trois hommes se rendirent au Mikvé où ils se sanctifièrent trois jours durant, se livrant aux prières et au jeûne, et purifiant leurs esprits et leurs cœurs avec une concentration extrême. A l'aube du troisième jour, ils préparèrent un paquet de vêtements de la taille d'un homme normal, et l'emportèrent à un endroit hors de la ville, non loin de la rive du fleuve. Là, ils modelèrent une statue d'argile ayant l'apparence et la taille d'un homme ; il était dans une position inclinée, et son visage tourné vers le ciel.
Le Maharal dit à son gendre, qui était un Cohen, d'accomplir sept Hakafoth (tours) autour du Golem tout en concentrant son esprit sur certains Noms et certaines lettres, saints les uns et les autres, et que le Maharal lui avait préalablement révélés. Puis il dit à son disciple, qui était un Lévite, de faire de même. Enfin, le Maharal accomplit à son tour les sept Hakafoth autour du Golem inerte. Ayant achevé le dernier tour, il posa un parchemin portant inscrit le Nom de D.ieu, sur les lèvres de la statue d'argile. Puis tous ensemble, ils récitèrent avec une grande concentration le verset des Écritures Saintes : « Et Il souffla dans ses narines un souffle de vie, et l'homme devint un être vivant. » Verset qu'ils répétèrent sept fois. À ce moment, le Golem ouvrit les yeux. Alors, le Maharal lui ordonna de se lever et de se couvrir avec les vêtements qu'ils lui avaient apportés.

Yossel Golem

« Ton nom est Yossel », dit le Maharal au Golem. « Je t'ai créé avec l'aide de D.ieu, afin que tu accomplisses la mission Divine de protéger les Juifs contre leurs ennemis. Tu obéiras à tous mes ordres, car tu n'as aucune volonté propre. Ta place sera à l'intérieur du Beth Din et tu rempliras les fonctions de Chammache (bedeau) ».
Ceci fait, les trois hommes prirent le chemin de la ville, suivis par le Golem. Il avait, comme nous l'avons dit, l'apparence d'un homme ordinaire, encore que ses mouvements eussent une certaine raideur. Muet — car le Maharal ne l'avait pas doté du don de la parole —, il était dépourvu de toute pensée et de toute intelligence.
On donna vite au nouveau bedeau le sobriquet de Yossel Golem. Toute la journée il demeurait assis au Beth Din, ne disant rien, ne faisant rien, le regard vide. Lui adressait-on la parole ? Il ne réagissait point, n'ouvrait jamais la bouche. Son visage s'animait seulement quand le Maharal lui parlait ; alors il écoutait attentivement, humblement, puis partait exécuter ponctuellement l'ordre reçu, quel qu'il fût.
Le Maharal envoyait le Golem patrouiller dans le ghetto. Il avait fort à faire surtout durant la période — la plus dangereuse pour les Juifs — allant de Pourime jusqu'après Pessa'h. Le Golem, obéissant à l'ordre de son maître, arpentait les rues étroites du ghetto. Il avait un flair, dont l'avait doté le Maharal, pour détecter dans le noir un ennemi des Juifs, quel qu'il fût. Il était à la fois puissant et agile. Sa proie ne pouvait espérer lui échapper. Le Golem capturait le chenapan, le garrottait, et le transportait comme un ballot jusque devant l'Hôtel de Ville, où il l'abandonnait. Cela fait, il disparaissait, et reprenait le chemin du Beth Din où il regagnait la place qu'il occupait habituellement quand il n'avait pas de mission à accomplir. Ainsi le Maharal, avec l'aide de son Golem, déjouait les complots de Tadeusz, qui mettait à contribution jusqu'à la magie noire pour nuire aux Juifs.
Tels étaient les récits que nous faisait le vieux Zékhariah sur le Golem. Un jour, lisant quelque frayeur sur nos visages, il nous conta pour nous dérider l'histoire suivante.

La maison inondée

On était à Erev Pessa'h, et la femme du Maharal était occupée à préparer la maison pour la fête. C'était une tâche fatigante ; aussi, à un moment, demanda-t-elle à son mari de permettre à Yossel Golem de l'aider. Le Maharal ordonna à ce dernier de faire ce que la Rebbetsine lui demanderait. Celle-ci lui dit d'aller chercher de l'eau du puits et de remplir le tonneau qui se trouvait à la cuisine. Yossel Golem prit les deux seaux qu'elle lui tendait et se dirigea vers le puits. Obéissant, il les remplit d'eau et alla les vider dans le tonneau. Il ne fallut pas longtemps pour que celui-ci fût plein. Mais le Golem, comme si de rien n'était, continuait son travail. Le tonneau déborda, mais l'automate poursuivait sa tâche, apparemment ne s'apercevant de rien. Et il continuait de verser de l'eau dans le tonneau depuis longtemps déjà plein. Quand la Rebbetsine accourut, la cuisine et le salon étaient inondés. « Arrête ! Arrête ! » cria-t-elle affolée ; mais Yossel n'écoutait point. Elle courut au Beth Din. « Ton Golem est en train d'inonder la maison », dit-elle hors d'haleine à son mari, « et si tu ne l'arrêtes pas à l'instant, c'est toute la ville qui va être inondée ! »
Le Maharal se précipita vers la maison. Il ordonna au Golem de s'arrêter ; ce qu'il fit sur-le-champ. L'histoire, quand elle fut connue, amusa toute la ville. Yossel Golem avait failli provoquer un déluge aussi grave que celui du temps de Noa'h ! Quant à la Rebbetsine, ce fut la première et la dernière fois qu'elle demanda de l'aide à l'étrange personnage.
Quand la situation des Juifs s'améliora et que le Golem eut achevé sa mission, le Maharal lui ordonna de l'accompagner au grenier de la synagogue. Là, il lui dit de se coucher et d'ouvrir la bouche. Le saint Rabbi retira le parchemin sur lequel était inscrit le Nom Divin et dit au Golem : « Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. » Instantanément, ce dernier devint un monceau d'argile.
Ce fut la fin du Golem. C'est aussi la fin de notre récit.
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


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mardi 24 février 2015


Le Séfer Torah du Maharam de Rotenbourg
par Tuvia Bolton

Né à Worms en 1215, le célèbre Rabbi Meïr de Rotenburg (connu sous l'acrostiche de son nom,Maharam) fut très vite reconnu pour sa vaste érudition talmudique. Il écrivit de nombreux livres et répondait aux questions que lui posaient des rabbins de toute l’Europe. Dans sa Yéchiva, des centaines de jeunes Juifs étudiaient le Talmud et les Décisionnaires. Rabbi Meïr était considéré comme le grand-rabbin de France et d’Allemagne.
Alors qu’il était déjà âgé, des pogromes éclatèrent. Sous des prétextes futiles, les foules se déchaînaient contre les Juifs et le sang juif était versé comme de l’eau : tous les Juifs étaient menacés et même le vénérable Rabbi dût s’enfuir. On raconte que c’est en route pour la Terre Sainte qu’il fut reconnu, arrêté et finalement emprisonné sur l’ordre du souverain, Rodolphe. Celui-ci annonça que son illustre otage ne serait libéré qu’en échange d’une énorme rançon.
Quand Rabbi Meïr apprit cela, il fit immédiatement stopper les collectes qui s’organisaient déjà dans la communauté : la loi juive interdit, en effet, de céder à ce genre de chantage car cela ne fait qu’augmenter l’émergence d’autres enlèvements et extorsions de fonds.
C’est ainsi que durant six ans, il croupit dans une prison, au sommet d’un donjon surplombant le fleuve : il révisa toute la Torah qu’il avait apprise par cœur auparavant, jusqu’à son décès à l’âge de 78 ans. Déçu de n’avoir pas obtenu l’argent qu’il demandait, Rodolphe refusa cruellement qu’on procède à l’enterrement de son prisonnier. Ce n’est que sept ans après la mort du Rabbi qu’un Juif riche offrit au souverain toute sa fortune pour pouvoir l’inhumer dignement.
Même si Rabbi Meïr connaissait parfaitement des milliers de pages de Torah, il souffrait de ne pas disposer d’un véritable Séfer Torah. On lui avait procuré des Téfilines et d’autres objets de culte mais pas de Séfer Torah.
Au bout de deux ans de captivité, un jeudi soir, il s’assoupit et aperçut soudain, dans une vision presque irréelle ce qui semblait être un ange majestueux qui portait… un grand Séfer Torah brillant de mille feux !
Était-ce un rêve ou la réalité ? Le Maharam n’eut pas le temps de réfléchir, déjà l’ange parlait : « Je suis l’ange Gabriel. Tes prières ont été entendues, voici ton Séfer Torah ! Tu sais que Moché Rabbénou, Moïse notre Maître, écrivit 13 rouleaux de la Torah. Douze ont été distribués à chacune des Tribus ; voici le treizième ! C’est celui qui est utilisé chaque Chabbat au ciel par les Tsadikim qui séjournent auprès du Tribunal céleste. Cependant, rien ne se compare aux Mitsvot accomplies par un Juif sur terre. C’est pourquoi il a été décidé qu’il te sera confié et tous les Tsadikim viendront l’écouter de ta bouche chaque fois que tu le liras ! »
Le cœur battant, Rabbi Meïr se réveilla : le saint Séfer Torah était bien là, devant lui !
Il remplit volontiers ses obligations : chaque Chabbat, Roch 'Hodech et jours de fête, il lisait le passage correspondant dans le rouleau de la Torah et sa cellule irradiait d’une lumière spirituelle émanant sans doute des milliers d’âmes des Tsadikim qui venaient l’écouter. Même les jours de semaine, il aimait à étudier dans ce parchemin sacré et, à chaque fois, il sentait son esprit s’ouvrir à de nouvelles idées, des explications extraordinaires.
Cela dura deux ans puis Rabbi Meïr se dit qu’il devrait recopier scrupuleusement ce Séfer Torah afin que des générations de Juifs après lui puissent s’en inspirer et, à leur tour, le recopier.
Ses élèves parvinrent à lui procurer du parchemin, des plumes et de l’encre et, au bout d’un an, l’œuvre fut achevée. Après plusieurs vérifications et corrections, ce second Séfer Torah fut prêt.
Mais le même soir, Rabbi Meïr rêva qu’un autre ange venait dans sa cellule et reprenait le Séfer Torah original ! Bouleversé, il se réveilla et constata que, malheureusement, c’était vrai !
« Pauvre de moi ! s’exclama-t-il. Peut-être n’aurais-je pas dû entreprendre cela. Il s’agit là sans doute d’une punition ! »
Une voix interrompit ses pensées et le rassura : sa copie était parfaite et il avait bien agi car elle servirait de base pour l’écriture de nombreux autres rouleaux de la Torah.
Quand le Maharam sentit sa fin approcher, il fabriqua une boîte en bois, l’enduisit de bitume afin de l’imperméabiliser, y plaça avec amour son Séfer Torah et la fit descendre à l’aide d’un drap du donjon de sa prison jusque dans le Rhin.
Pendant plusieurs semaines, la boîte flotta sans être remarquée jusqu’à ce qu’elle fût repérée par des pêcheurs non loin de Worms. Malgré tous leurs efforts, ils ne parvinrent pas à l’attraper dans leurs filets. Ils décidèrent alors de laisser des pêcheurs juifs tenter leur chance : à peine ceux-ci approchèrent-ils leurs embarcations que, d’elle-même, la boîte flotta dans leur direction et se laissa facilement remonter.
Après bien d’autres péripéties, la boîte fut finalement ouverte dans la synagogue de Worms. Voici ce qui était inscrit à l’intérieur, sur l’une des parois : « Ce rouleau a été écrit par Meïr et est un cadeau offert à la communauté de Worms. Ce rouleau est saint et pur et on ne doit l’utiliser que deux fois par an : à Chavouot (la fête du don de la Torah) et à Sim’hat Torah, le jour où l’on complète la lecture annuelle de la Torah. »
Malgré les nombreux malheurs qui affectèrent la communauté de Worms durant les siècles qui suivirent, les fidèles consentirent toujours de gros sacrifices pour garder intact ce trésor transmis dans de si étranges circonstances. Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi de Loubavitch, a témoigné l’avoir vu.
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


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lundi 23 février 2015

Le rabbi de Loubavitch:Père, où es-tu?



Noé et Abraham : histoire de contrastes 

Revenons à Noé. C'est un tsadiq mais ce n'est pas pour cette raison qu'il a été sauvé.

À partir d'Abraham, va se constituer l'identité d'Israël à qui la Tora sera donnée, c'est-à-dire l'identité qui recevra la révélation de la loi absolue de ce qu'est le bien et le mal selon D-ieu, ce qui définit le tsadiqde l'alliance d'Abraham. Non plus le tsadiq dans l'ordre de la bonne volonté mais par rapport à la loi absolue, la loi de vérité révélée à Israël.
 
On peut préciser cela avec la définition traditionnelle des différents niveaux de l'ordre de la vertu structurés par les initiales du nom d'Isaac (Yits'haq), soit iod-tsadé-het-kof. Il y a d'abord le yachar, l'homme de rectitude, celui qui veut se conduire d'après le chemin droit et cela avant toute norme, avant toute loi.
 
Puis vient le tsadiq avec les deux niveaux décrits précédemment, le niveau universel dans l'ordre de la bonne volonté relativement à sa propre loi (mais néanmoins conforme à la charte des sept lois des Bnei Noah), et le niveau absolu relatif à la loi révélée. Au-dessus du tsadiq, il y a le 'hassid : le tsadiq obéit à ce que la loi demande, tandis que le 'hassid veut “par lui-même” ce que la loi demande.
 
Maïmonide approfondit cette différence dans son ouvrage “Chemona peraqim” (“Les huit chapitres”). Il y a des hommes dont leurs tendances profondes les mènent au mal, mais qui ont malgré tout des raisons de savoir que c'est le bien qu'il faut faire, et ils le font. On appelle une telle personne un “Juste malheureux de l'être” (“Tsadiq ver'a lo”). Il agit justement par rapport à la loi, il lui obéit – éventuellement à contrecœur – mais il obéit. Maïmonide enseigne que celui qui obéit tout en étant malheureux d'obéir a peut-être plus de mérite que celui qui obéit de lui-même.
 
En revanche le 'hassid est celui qui, par lui-même, veut ce que la loi veut. À la limite, même si la loi ne le lui demandait pas, il le voudrait. C'est donc un niveau très élevé. Le 'hassid a une connaissance profonde – par le cœur si j'ose dire – de ce que la loi veut lorsqu'elle demande ce qu'elle demande. C'est pourquoi il peut arriver que dans sa conduite, il se conduise de façon apparemment un peu différente de ce que la loi dit, parce qu'il fait ce que la loi veut. Il agit “par delà la mesure de la loi”.
 
Un 'hassid peut faire ou moins ou plus parce qu'il est 'hassid, parce qu'il sait ce que la loi demanderait dans ce cas particulier, parce qu'il sait ce qu'elle veut et pas simplement ce qu'elle commande dans ce qui est écrit dans le code.
 
Enfin, au delà du 'hassid, se trouve le qadoch, l'homme de sainteté, celui qui à la fois comprend et veut ce que D-ieu veut lorsqu'il donne la Tora. Il se situe à un niveau qui peut nous dépasser.
 
Cette hiérarchie iachartsadiq'hassidqadoch est rassemblée dans les initiales du nom d'Yits'haq et apparaît dans la prière du matin du Chabath des jours de fête.
 
Revenons à Noé. C'est un tsadiq mais ce n'est pas pour cette raison qu'il a été sauvé. On peut le comprendre de la manière suivante : probablement il y avait d'autres tsadiqim de ce genre, mais c'est lui qui a été sauvé de façon gratuite. Toutefois, gratuit ne veut pas dire arbitraire, sans raison, et c'est cela que je vais essayer d'expliquer.
 
Nous savons qu'il y avait en ce temps-là, dans ces générations-là, au moins un tsadiq par génération, celui dont le nom est cité dans les généalogies du récit de la Tora. Notamment – selon le Midrach –Mathusalem (Metouchela'h), était un très grand tsadiq, même supérieur à Noé. Il y avait donc d'autrestsadiqim à l'échelle universelle et c'est pourtant Noé qui a été choisi.
 
Par ailleurs, le Midrach met en regard deux versets relatifs à Noé d'un côté et à Abraham de l'autre : 
 
“Noé était un homme Juste et intègre dans ses générations. Noé marchait avec D-ieu (Genèse 2:9)
 
“[D-ieu dit à Abraham :] Marche devant moi et soit intègre” (Genèse 17:1)
 
Noé et Abraham sont caractérisés par des termes voisins mais néanmoins repris de manière distincte. Noé est “avec D-ieu”, là où D-ieu se trouve. En revanche, à Abraham il est prescrit : “Marche devant moi”. Donc le programme de justice ou de sainteté déjà amorcé dans le fait d'être tsadiq est différent au niveau des identités respectives de Noé et d'Abraham. De même Rachi commentant l'expression “dans ses générations” met en regard Noé et Abraham :
 
“Certains de nos maîtres ont expliqué cette expression dans l'ordre de la louange : à plus forte raison s'il se trouvait dans une génération de Justes, il serait encore plus Juste. Mais d'autres ont expliqué ces termes de façon péjorative : selon sa génération il était Juste, mais s'il était dans la génération d'Abraham, il n'aurait même pas été mentionné.”
 
Noé et Abraham sont tous deux des Justes, mais de nature différente. Noé est certes un très grandtsadiq, c'est grâce à lui que l'humanité a été sauvée, mais c'est un tsadiq d'une certaine nature.
 
La différence avec Abraham apparaît dans l'épisode où D-ieu fait savoir à Abraham qu'il va juger Sodome et Gomorrhe et les détruire, parce qu'il y avait encore là-bas, de la même manière, saturation de violence. Abraham intervient immédiatement et plaide. Alors que Noé entend dire qu'une sanction de destruction va s'abattre sur l'humanité et la Tora ne nous dit pas qu'il a intercédé. Même s'il a intercédé,  la Tora n'a pas jugé que ce fût d'une manière telle que cela méritait d'être signalé.
 
Un texte du Midrach est très suggestif à cet égard. Le verset 8 dit : “Et Noé a trouvé grâce aux yeux de D-ieu.” Le Midrach commente :
 
 “Et dans les yeux de Noé, D-ieu n'a rien trouvé, même pas une larme.”
 
Noé est un Juste qui ne fait pas le mal, mais c'est un Juste qui, entendant annoncer une telle sanction – la destruction de l'humanité entière – est capable de ne pas intercéder. Comme le dit le Midrach, il ne pleure pas. Alors qu'entendant le même jugement, la même sanction annoncée contre Sodome et Gomorrhe – dont la Tora nous dit que leurs habitants étaient les plus grands méchants (rech'aïm) – Abraham plaide, discute pied à pied avec D-ieu lui-même pour essayer de les sauver. Voilà l'une des différences entre Noé et Abraham.
 
De manière un peu schématique, Noé est un Juste défini de façon essentiellement négative. Il ne fait pas le mal, mais il n'y a pas d'indication qu'il soit Juste au sens positif, qu'il soit capable de faire le bien et pas seulement de ne pas faire le mal. La tradition connaît deux catégories de Justes : le “Juste sans plus” (le “tsadiq”) et le “Juste bon” (le “tsadiq tov”). Tsadiq seul, sans adjectif, caractérise la relation entre l'homme et D-ieu ; tsadiq tov, ajoute une détermination relative à la relation entre l'homme et son prochain.
 
Cela ne nous autorise pas, nous, à porter un jugement sur Noé ; seulement d'admette que la stature, le profil de l'identité d'Abraham en tant que tsadiq dépasse infiniment celui de Noé.
 
Le texte nous donne une autre indication : “Noé a trouvé grâce aux yeux d'Hachem ” alors que lorsqu'il est dit que Noé est tsadiq, le texte porte “avec Eloqim marchait Noé.” Noé est tsadiq par rapport àEloqim, mais trouve grâce aux yeux d'Hachem. Cela signifie que Noé est tsadiq par rapport à l'ordre d'une vérité morale d'après les lois de la création (“Eloqim” est le nom de D-ieu comme créateur du monde).
 
En revanche, relativement au projet de D-ieu pour l'histoire humaine (c'est dans l'histoire humaine que le nom Hachem se révèle), Noé a trouvé grâce. “Noé marche avec D-ieu”, il est conforme à la révélation déjà acquise, alors que “Abraham marche devant D-ieu”, il est une sorte d'éclaireur qui ouvre la route par où la révélation pourra passer. Il y a entre eux une différence d'envergure radicale.
 
Un texte semble contredire cette donnée. Après que Noé ait construit l'arche, la Tora dit :
  
“Hachem dit à Noé : 'Viens toi et toute ta maison à l'arche car c'est toi que J'ai vu comme tsadiq dans cette génération.'”
 
Ce verset (où apparaît le nom “Hachem”) semble contredire la mise en regard que le Midrach faisait entre Noé d'un côté et Abraham de l'autre ! Mais en réalité il a une forme particulière qui donne la solution de cette difficulté. En hébreu, “je t'ai vu” se dit “reïtikha”, alors que le texte est “otkha raïti ” (“toi que J'ai vu”). Mais ce toi-là en hébreu signifie ce qui est avec toi ou encore “ton signe”. Le sens du texte est donc : “ce qui est avec toi” (ou encore “ton signe”), je l'ai vu tsadiq devant moi. Ce qui est avec Noé – ce signe – c'est Abraham que Noé porte en lui.
 
Il n'y a donc pas de contradiction. Si Noé a été sauvé, c'est parce qu'il portait en lui la possibilité d'Abraham. C'est ce qu'annonce notre premier verset : “Voici l'histoire des engendrements de Noé...”, ce qui aboutira à Abraham. De tous les tsadiqim possibles à la manière de Noé, c'est Noé qui est sauvé gratuitement. Mais ce n'est pas arbitraire. Il y a une raison à son salut, ce n'est pas son mérite, c'est sa descendance. La gratuité au-delà du mérite individuel est bien une gratuité mais n'est pas arbitraire.
 
Les contemporains de Noé ne peuvent pas comprendre pourquoi c'est lui qui est sauvé plutôt qu'un autre, D-ieu seul le sait. D-ieu seul sait que Noé porte en lui la possibilité d'Abraham. En réalité, c'estAbraham qui a sauvé Noé.
 
Revenons au commentaire de Rachi que j'ai cité précédemment. Rachi avait dit : “Puisque le texte a mentionné le nom de Noé, il a raconté sa louange car le souvenir du Juste est pour une bénédiction.” La louange de Noé – sa mention en tant que tsadiq – ne vient pas expliquer pourquoi il est sauvé, mais elle est faite parce que le souvenir d'un tsadiq est une bénédiction. Cependant, il ne suffisait pas à Noé d'être tsadiq pour être sauvé. Si parmi tous les tsadiqim possibles de son temps c'est Noé qui est choisi, c'est parce qu'il porte en lui la possibilité d'Abraham.
 
Je terminerai par ce qu'on appelle un 'hidouch (c'est-à-dire un commentaire innovateur) relatif au verset lu selon le commentaire de Rachi. À la fin de la paracha de Noé, Abraham apparaît sur la scène de l'histoire. Voici ce que D-ieu dit à Abraham : (Genèse 12:2) :
 
“Je ferai de toi une grande nation et Je te bénirai, J'agrandirai ton nom et tu seras bénédiction.”
 
L'émergence de la bénédiction dans l'histoire d'Abraham est un tournant. La bénédiction avait disparu dès la faute du premier homme et elle revient avec Abraham. À partir d'Abraham, il s'agira de savoir par qui passe la bénédiction, car c'est chez celui par qui passe la bénédiction que doit se révéler la loi de sainteté. Cela nous est annoncé par le verset lu selon le commentaire de Rachi : la mention du tsadiqqu'est Noé est faite en vue de la bénédiction, c'est-à-dire en vue d'Abraham qui est “bénédiction”.

Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.

En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.

                                                        Breslev Israël 2004 – 2014 © Tous droits réservés


Un monde moderne et d’anciennes prophéties

Quand les choses deviennent évidentes

par Rochel Holzkenner

Au 19ème siècle et pendant une bonne partie du 20ème, la guerre était un sport international. Les invasions et l’impérialisme étaient franc-jeu. La victoire revenait au plus fort. En Europe, la paix était maintenue par un délicat équilibre des pouvoirs, et lorsque cet équilibre vacillait, le carnage éclatait. La Première Guerre mondiale fit 15 millions de morts, pour des questions de pouvoir et de territoire. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le bilan était de 78 millions de morts.
Il devint évident que la guerre n’était qu’une option de dernier ressortPourtant, en 1990, lorsque Saddam Hussein envahit le Koweït pour résoudre les problèmes financiers de l’Irak, le monde s’en indigna. Ce genre de démarche était définitivement passé de mode. Quelque chose avait changé dans notre perception morale.
Les Nations Unies ont fourni un nouveau moyen de résoudre les conflits. Établies en 1945, elles ont pour but de constituer un espace de dialogue entre les nations et de minimiser la nécessité du recours à la guerre. Alors que depuis des temps immémoriaux, la guerre avait constitué la manière naturelle de régler les conflits, il était désormais évident que la guerre n’était qu’une option de dernier ressort.
Le Rabbi de Loubavitch évoqua la création des Nations Unies comme annonciatrice de l’ère messianique. Il fit remarquer que, sur le mur faisant face à leur quartier général, sont gravés les mots « Et ils transformeront leurs épées en socs de charrue... », un verset de la prophétie d’Isaïe décrivant l’ère messianique. Le monde a été raffiné, dit le Rabbi, au point où la paix et la bienfaisance envers les nécessiteux sont devenues des nécessités évidentes dans la mentalité de la plupart de gens.
En février 1992, une conférence eut lieu aux Nations Unies qui réunissait les représentants de nombreuses grandes puissances. À l’issue de cette conférence, les chefs d’État résolurent de diminuer leurs dépenses militaires et de réaffecter ces ressources à la production alimentaire. De nouveau, le Rabbi souligna cette manifestation très concrète de la prophétie d’Isaïe, la transformation d’« épées » en « socs de charrue ». Et la prophétie continue de se réaliser. Des satellites conçus pour espionner l’ennemi depuis l’espace sont maintenant utilisés pour détecter les ressources souterraines et ainsi développer l’agriculture dans de nouveaux territoires. Des millions de dollars de budget pour la recherche en matière de défense sont désormais consacrés à adapter les technologies militaires à des usages civils et commerciaux.
C’est tellement évident. Pourtant, cette idée qui apparaît aujourd’hui tellement sensée semblait jadis irrationnelle.

La Torah fait allusion à l’évolution de l’éthique dans le premier verset de la paracha de Michpatim, qui traite de nombreux commandements divins rationnels.
D.ieu dit à Moïse :
« Et ceux-ci sont les préceptes que tu placeras devant eux. »
Le Midrache (cité par Rachi) délivre un enseignement basé sur les deux premiers mots de ce verset, « Et ceux-ci » :
« Partout où il est écrit : “et ceux-ci”, le texte implique un ajout à ce qui précède. De même que ce qui précède [les Dix Commandements] fut proclamé au Sinaï, ceux-là aussi furent proclamés au Sinaï. »
Il a façonné nos esprits de sorte qu’ils puissent comprendre une partie de Sa volonté et pas l’autreLa Torah inclut un « et » apparemment superflu pour souligner que ces préceptes rationnels furent également donnés au Sinaï. En d’autres termes, de peur que l’on s’imagine que ces lois sont un code d’éthique engendré par quelque conscience humaine, D.ieu précise qu’elles sont bien d’origine divine, tout autant que les lois « irrationnelles ». La seule différence est que D.ieu nous a fait la grâce de pouvoir saisir la raison de ces mitsvot, alors que la compréhension d’autres mitsvot nous est refusée.
Nous supposons naturellement que les rites du Judaïsme sont soit rationnels, comme donner la charité ou respecter ses parents, soit irrationnels, comme manger cachère ou s’immerger dans un bain rituel. Mais ici D.ieu remet en question nos idées reçues. « Ceux-ci aussi viennent du Sinaï » : toutes les mitsvot émanent d’une même source, la volonté et la sagesse de D.ieu. Il a façonné nos esprits de sorte qu’ils puissent comprendre une partie de Sa volonté et pas l’autre. Cette dernière, Il nous demande de l’accomplir parce que nous L’aimons, pas parce que nous Le comprenons.
Mais à mesure que nous progressons dans le continuum temporel et que nous approchons de l’ère messianique, nos esprits sont de plus en plus en phase avec la sagesse divine. Sa volonté nous apparaît de plus en plus naturelle. Par exemple, D.ieu nous dit de respecter les frontières, mais depuis toujours, les empires ont annexé des nations plus faibles dans leur désir d’hégémonie. Tel était la règle du jeu politique. Mais aujourd’hui, si un pays tente ce genre d’aventure, l’ONU envoie une armée en mission de maintien de la paix pour tenir en respect l’agresseur.
D.ieu demande d’aider ceux qui sont dans le besoin. Mais au cours de l’histoire, cette notion a toujours semblé absurde. Pourquoi devrions-nous investir nos ressources durement gagnées dans un autre pays où cela ne nous sera d’aucun bénéfice ? Qu’ils s’occupent eux-mêmes de leurs problèmes ! Et pourtant, aujourd’hui, c’est devenu presque instinctif : quelqu’un d’autre souffre, je dois ouvrir mon porte-monnaie. Après le tremblement de terre dévastateur en Haïti en janvier dernier, de nombreuses nations ont envoyé des centaines de sauveteurs et de militaires. Les États-Unis ont envoyé des milliers de soldats et promis 100 millions de dollars d’aide. En tout, c’est plus d’un milliard de dollars qui ont été promis par de nombreux pays. La mission de secours israélienne a couté à son gouvernement 40 millions de shekels. Des entreprises et des personnes privées ont aussi donné des millions aux diverses institutions caritatives impliquées en Haïti.
Aurait-on vu une réaction comparable il y a deux siècles, ou même seulement un siècle ?
Le Rabbi a dit que nous sommes au seuil d’un changement global, et bientôt le monde deviendra un endroit merveilleux. Et nous faisons avancer ce processus en faisant du bien aujourd’hui. C’est tellement évident.1

NOTES
1.Basé sur le discours du Rabbi de Loubavitch du Chabbat parachat Michpatim 5752 (1992).
Que D-ieu protège et guérisse miraculeusement tous nos soldats comme chacun des enfants d'Israël, partout dans le monde, Qu'il venge leur sang, et qu'Il ne nous prodigue à partir de maintenant que des douceurs palpables à l’œil nu.


En chaque génération vit un homme qui attend avec impatience de pouvoir libérer son peuple de l’exil.


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